Visite du mémorial de Choeung Ek (killing fields) à Phnom Penh

Haut lieu de mémoire lié au génocide cambodgien, le site de Choeung Ek ou killing fields complète la visite de la prison de Tuol Sleng lors d’un séjour à Phnom Penh. Ceci afin d’avoir une vision globale de ces 4 années d’horreur ayant marqué le Cambodge…

De 1975 à 1979, sous le régime des Khmers Rouges alors appelé « Kampuchéa Démocratique », Choeung Ek est devenu le lieu principal d’exécution des prisonniers provenant de la prison de Tuol Sleng S-21 à Phnom Penh. Il faut savoir que bien avant sa transformation en lieu d’exécution massive, Choeung Ek était un endroit tout à fait paisible. Il s’agissait en effet d’un cimetière pour la communauté Chinoise vivant ici, à 17 kilomètres au Sud-Ouest de Phnom Penh.

serial-travelers-cambodge-phnom-penh-killing-fields-4
Stupa construit pour honorer la mémoire des morts de Choeung Ek

Dimanche 31 décembre 2017, nous arrivons sur place en scooter vers 9H30 après 30 minutes de route depuis notre guesthouse, située dans le centre-ville de Phnom Penh. Un bon nombre de tuk-tuks proposent cette excursion depuis le centre-ville, mais hormis la traversée de la capitale un peu rock & roll, il n’y a rien de bien compliqué à conduire un scooter pour s’y rendre. A noter quand même qu’en conduisant dans les rues de Phnom Penh, on se croit directement propulsé dans certaines rues de Delhi : c’est sale, bruyant, on double par tous les côtés et ça grouille de partout !

  • Location de scooter dans notre guesthouse B52 : 7 $/jour pour un scooter automatique très vétuste !

Visite du mémorial de Choeung Ek

serial-travelers-cambodge-phnom-penh-killing-fields-13

Nous démarrons la visite en suivant les indications de l’audioguide qui raconte comment ce parc de 2 hectares, qui semble si paisible avec sa jolie mare, a vu passer près de 20 000 victimes. De ce funeste lieu de massacre, il ne reste plus que 130 charniers et un stupa, érigé bien des années après pour honorer la mémoire des victimes et préserver les ossements.

Comme pour S-21, la visite de ce mémorial n’est pas indiquée à tout le monde : il s’agit d’un lieu chargé d’émotions, et qui peut vraiment bouleverser et déstabiliser… De même, la lecture de cet article sera très difficile…

  • Prix du parking à Choeung Ek : 1 000 KHR/scooter ou 0,25 $ (~0,20 €)
  • Prix d’entrée à Choeung Ek (Killing Fields) : 6$/pers. (~4,80 €) audio guide inclus
  • Temps de visite : 3H

A la manière des Nazis, les malheureux à qui on avait extorqué des aveux sous la torture dans la prison de Tuol Sleng ou d’autres camps à travers le pays étaient secrètement envoyés à Choeung Ek. Ils arrivaient yeux bandés, chevilles et poings liés en camion dans la nuit noire, de façon à ce que ces tueries de masse restent ignorées de la population alentour. Les malheureuses victimes étaient, du moins au début, exécutées dès leur arrivée à Choeung Ek dès qu’elles étaient descendues du camion (à coup de pioche, les balles étant alors trop chères et trop bruyantes)…

Mais, au fur-et-à-mesure que le régime de Pol Pot plongeait dans la paranoïa, l’horreur et le génocide de son propre peuple, le nombre quotidien de personnes à exécuter augmenta drastiquement… Pour atteindre le chiffre faramineux de 300 personnes par jour !

« Mieux vaux tuer un innocent par erreur qu’épargner un ennemi »

Le narrateur Cambodgien s’exprime en français, avec une voix douce et nous invite très souvent à faire des pauses, à l’ombre des palmiers, car ce qu’il raconte est bouleversant. On estime que les Khmers Rouges assassinèrent ici 17 000 personnes, à partir des 8 985 corps retrouvés sur le site…

« A vous garder en vie, on n’a rien à gagner, à vous éliminer, on n’a rien à perdre ! »

Ces personnes furent assassinées dans des conditions effroyables, sur ordre de Kang Kek Ieu, alias Duch, directeur de la prison S-21 en charge de valider les ordres d’exécution. Au son d’un haut parleur crachant des chants révolutionnaires pour dissimuler les cris des victimes, les gardes Khmers Rouges effectuaient leur sale besogne en prenant tout ce qu’ils avaient sous la main. Les prisonniers étaient tués à coup de pioche, de pelle, de machette ou égorgés avec des branches de palmiers de Palmyre, puis balancés dans les fosses communes creusées pour l’occasion…

L’emploi de DDT (insecticide chimique) sur les corps permettait de couvrir l’odeur des cadavres, et d’achever les malheureux qui étaient jetés parfois encore vivants dans ces fosses communes…

Quelques 86 charniers (ou fosses communes) sur 129 furent exhumés et permirent de mettre à jour des milliers d’ossements d’hommes, de femmes mais aussi d’enfants… Dans leur folie meurtrière, les Khmers Rouges avaient pour habitude de décimer des familles entières, pour éviter tout risque futur de vengeance.

serial-travelers-cambodge-phnom-penh-killing-fields-5

« Pour se débarrasser des mauvaises herbes, il faut aussi arracher les racines »… Pas de vengeance possible !

Vers la fin de la visite, on découvre l’endroit le plus terrifiant de Choeung Ek. Le « Killing Tree » est un arbre massif posé au bord d’un charnier qui a été mis à jour avec plus de 100 corps de femmes et d’enfants.

Les killings fields furent d’ailleurs mis à jour en 1979 au départ des Khmers Rouges, lorsqu’un paysan du village de Choeung Ek fit la macabre découverte de ce « Killing Tree » dont l’écorce était maculée de cheveux, de matière cérébrale et de sang… Le commentaire nous apprend que les enfants et les bébés étaient fracassés contre l’arbre avant d’être eux-aussi balancés dans la fosse, devant leurs mères…

« Au début, je n’ai pas voulu reconnaître l’image horrible des bébés qu’on fracassait contre l’arbre, mais après avoir vu les photographies, je reconnais que c’est arrivé. Cette action a été effectuée par mes subordonnés. Mais je ne les blâme pas car ils travaillaient pour moi. Je suis criminellement responsable d’avoir tué des bébés, de jeunes enfants et des adolescents »…

Kang Kek Ieu alias Duch, directeur de la prison de Tuol Sleng (toujours en vie à l’heure où nous écrivons)…

Nous terminerons cette visite ô combien difficile et déchirante en allant nous recueillir dans le stupa où sont conservés les restes des corps exhumés.


Ne manquez pas non plus la visite du musée, situé à droite de l’entrée quand on arrive sur le site. Un film documentaire de 15 minutes est projeté toute la journée et permet de compléter la visite.

  • Projections du film (AM) : 9H00 / 9H35 / 10H10 / 10H45 / 11H20 / 11H45
  • Projections du film (PM) : 13H00 / 13H35 / 14H10 / 14H45 / 15H20 / 15H55 et 16H15

Cette visite est à ce jour la plus dure de notre séjour et l’article dont nous avons éprouvé le plus de difficultés à écrire… Néanmoins, nous estimons que cette visite est nécessaire pour comprendre le traumatisme qui hante encore aujourd’hui les Cambodgiens.

D’autre part, il faut savoir que la plupart des « combattants » Khmers Rouges étaient des paysans âgés de 10 à 23 ans, sans éducation, ayant été endoctrinés par la machine de propagande de Pol Pot… Ce scénario se reproduit encore de nos jours, dans de nombreux pays tels que la France, où de jeunes incultes fanatisés, tuent des gens au nom d’une idéologie… Nous estimons qu’il est de notre devoir à tous d’en parler…

serial-travelers-cambodge-phnom-penh-killing-fields-9

 

10 thoughts on “Visite du mémorial de Choeung Ek (killing fields) à Phnom Penh

  1. julientille says:

    Magnifique article qui nous a appris beaucoup de choses et merci de nous transmettre vos émotions. Ça me rappelle notre visite dans un camp de réfugiés tibétains au Népal où nous avons découvert les atrocités qui s’y sont passées et qui perdurent encore à l’heure actuelle… ça fait réfléchir
    Bonne suite à vous!

    • Anonyme says:

      Merci pour votre gentil commentaire, nous pensons également que visiter des lieux difficiles et chargés d’histoire comme ceux-à sont importants pour comprendre la construction d’un pays et la vie de ses habitants 🙂 Merci beaucoup 🙂

  2. Khanapay says:

    Quelle difficulté de vous lire… merci pour votre article ! Les bracelets sont aujourd’hui apportés en hommage j’imagine ? L’horreur de cette guerre…

    • Anonyme says:

      Nous avons mis énormément de temps à écrire cet articles, pour trouver les mots justes, ne pas choquer mais essayer d’informer les gens sur cette terrible réalité qui s’est déroulée il y a à peine 40 ans… Oui, les bracelets ont effectivement été laissés ici pour rendre hommage aux victimes

    • Anonyme says:

      Merci beaucoup Claudine, on a longtemps hésité avant d’écrire, mais comme vous dites, il faut que cela soit connu pour éviter que cela recommence

Laissez-nous vos commentaires ou vos questions ici :)