Plongée dans l’histoire de la Martinique !

Plongée dans l’histoire tortueuse et tumultueuse de la Martinique ! Une chronique étroitement liée à celle de la métropole, entre attirance et répulsion…

Sommaire

Introduction…

Située aux carrefours de plusieurs cultures, l’histoire de la Martinique est superbement retranscrite sur les sites de l’écomusée de Martinique et de la Savane des Esclaves, permettant de mieux comprendre la société martiniquaise d’aujourd’hui ! Au travers de planches explicatives et de dioramas, ces deux endroits retracent la vie quotidienne des différentes civilisations ayant peuplé l’île. Depuis les Amérindiens Arawaks et Kalinagos, en passant par les colons Européens et les esclaves Africains déportés aux Amériques et enfin, les travailleurs Indiens venus remplacer ces derniers après l’abolition de l’esclavage…

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À gauche, une famille d’Amérindiens Kalinago. À droite, la libération des esclaves en Martinique en 1848

Posé à quelques mètres de la plage de l’Anse Figuier, l’écomusée de Martinique est installé dans les bâtiments de l’ancienne distillerie Ducanet. C’est à cet endroit que fut découvert un site archéologique d’importance, datant de la période Arawak, la première civilisation à avoir peuplé la Martinique et les Antilles.


Un peu de géographie…

Pour tout comprendre à l’article qui va suivre, quelques explications s’imposent ! Dans l’imaginaire collectif, on a tendance à confondre Antilles et Caraïbes, comme une seule et même région. Bien que ces 2 territoires inspirent plages de sable fin et cocotiers, ce sont 2 entités géographiques complètement différentes, même si elles sont imbriquées… Ainsi, la Martinique est une île située dans l’archipel des Antilles, lui-même localisé au sein des Caraïbes.

Vous suivez toujours 🙂 ? Stricto sensu, les Caraïbes constituent un sous-ensemble du continent américain, correspondant au bassin versant de la mer des Caraïbes. L’espace Caraïbe englobe ainsi l’archipel des Antilles, mais aussi la façade Est du continent américain, en s’étendant depuis le Venezuela et la Colombie au Sud, jusqu’au Mexique au Nord, avec la péninsule du Yucatán. Grâce à son positionnement géographique au carrefour de plusieurs cultures et sa multitude de peuples, l’espace Caraïbe sera qualifié – à raison – de Méditerranée du Nouveau-Monde !

                         Sur cette carte, l’espace Caraïbe est délimité par l’ensemble des points colorés

Les Antilles (ou arc antillais) correspondent à un archipel s’étirant sur plus de 4 000 km depuis le golfe du Mexique au Nord (Cuba) jusqu’au large du Venezuela au Sud (Curaçao, Aruba et Trinidad-&-Tobago) ! L’archipel des Antilles (qui tire son nom du portugais « ante-ilhas » signifiant îles d’avant – le continent -) est lui-même divisé en 2 sous-groupes :

  • Grandes Antilles : comprennent les 4 îles de Cuba, la Jamaïque, les Bahamas, l’île d’Hispaniola également appelée Saint-Domingue (partagée entre Haïti et la République Dominicaine), Porto Rico, ainsi que les Îles Vierges. Les Grandes Antilles représentent à elles seules 90% de la superficie et de la population totale des Antilles !
  • Petites Antilles : il s’agit d’un chapelet de petites îles d’origine volcanique ou calcaire, s’étendant en arc de cercle depuis les îles Vierges au Nord, jusqu’à Trinidad et Tobago au Sud. La Martinique fait donc partie des Petites Antilles 🙂

Avec la « découverte » du Nouveau Monde et l’essor de la culture de la canne à sucre, la Martinique devint rapidement un objet de convoitise pour les grandes puissances européennes, à l’instar des autres « Isles d’Amérique » (ancienne dénomination pour désigner les Antilles). La vie des populations autochtones qui peuplaient ces espaces depuis des siècles fut bientôt complètement bouleversée, des suites de l’expansionnisme européen, qui allait bientôt étendre son emprise sur tout le continent américain…


Un peu d’histoire…

L’histoire « post colombienne » de la Martinique s’étire sur plus de 5 siècles, une chronologie (non exhaustive) n’est pas de trop pour tout comprendre à cet article :

  • 500 avant J-C : La présence des Amérindiens Taïnos (Arawaks) est attestée en Martinique
  • 295 après J-C : Exil précipité des Taïnos qui fuient l’île, à la suite d’une éruption meurtrière de la Montagne Pelée
  • 400 après J-C : Retour des Taïnos sur l’île, près d’un siècle après l’éruption du volcan
  • Entre 1300 et 1400 : Arrivée des Amérindiens Kalinagos (ou Caraïbes), en Martinique
  • 1502 : Christophe Colomb débarque sur l’île le 15 juin, lors de son 4ème voyage vers les Amériques.
  • 1635 : Pierre Belain d’Esnambuc fonde la toute première colonie européenne en Martinique, dans le Nord-Ouest de l’île. L’expansion territoriale des Français entraine des heurts et un conflit continu avec les Kalinagos
  • 1642 : Louis XIII autorise la traite des esclaves Africains dans les colonies françaises, copiant les Espagnols et les Portugais qui pratiquent déjà la traite négrière depuis le début du XVIème siècle
  • 1654 : Construction du premier moulin à sucre en Martinique, grâce à l’aide de juifs Hollandais expulsés du Brésil, qui maitrisent déjà ce procédé depuis plusieurs décennies
  • 1657 : Signature d’un traité de paix entre Français et Kalinagos. Les Caraïbes sont désormais repoussés dans le territoire de la Cabesterre ou Capesterre (Nord et Centre Atlantique)
  • 1658 : Français, Anglais et Espagnols s’allient dans une guerre d’extermination contre les Kalinagos et les massacrent. Cette épuration ethnique conduit à l’exil forcé des Caraïbes survivants vers la Dominique et Saint-Vincent
  • 1664 : Les colonies de Martinique et de Guadeloupe deviennent la propriété de la Compagnie des Indes Occidentales
  • 1674 : Après la dissolution de la Compagnie des Indes Occidentales, la colonie de Martinique est directement rattachée à l’autorité de Louis XIV
  • 1685 : Élaboration du Code Noir par Colbert, qui régit la pratique de l’esclavage dans les colonies françaises
  • 1756 : Début de la Guerre de 7 ans entre les grandes puissances européennes. La France et l’Angleterre se battent pour les possessions de leurs colonies respectives. Après un mois de combat, la Martinique tombe aux mains des Britanniques en 1762
  • 1763 : Fin de la Guerre de 7 ans. La Martinique est restituée à la France suite au traité de Paris
  • 1789 – 1802 : La Révolution française bat son plein, et après plusieurs années de tractation, l’esclavage est aboli une première fois dans les colonies françaises
  • 1804 : Napoléon 1er rétablit l’esclavage dans les colonies françaises. Sous l’impulsion de Toussaint Louverture, la colonie de Saint-Domingue s’enflamme et proclame son indépendance vis-à-vis de la France en prenant le nom d’Haïti
  • 1818 : Louis XVIII promulgue une loi qui interdit la traite négrière dans l’empire colonial français
  • 1848 : Abolition officielle de l’esclavage dans les colonies françaises
  • 1902 : Le 8 mai, après plusieurs mois d’intensification de l’activité volcanique, la Montagne Pelée explose et anéanti Saint-Pierre et ses 28 000 habitants. La capitale de l’île est transférée à Fort-de-France
  • 1946 : La Guadeloupe et la Martinique deviennent des départements français d’outre-mer

Informations pratiques pour visiter l’écomusée de Martinique

L’écomusée de Martinique est ouvert tous les jours de l’année, entre 8H et 17H30 sans interruption en semaine.

  • Prix de la visite de l’écomusée de Martinique : 3,00 €/adulte et 1,00€/enfant
  • Temps/durée de l’écomusée de Martinique : comptez 2 heures de visite

Informations pratiques pour visiter la Savane des Esclaves

La Savane des Esclaves est ouverte tous les jours de l’année, entre 9H et 18H, sauf le dimanche (9H – 13H).

  • Prix de la visite de la Savane des Esclaves : 12,00 €/adulte, 8,00 €/adolescent (moins de 20 ans) et 5,00 €/enfant pour les enfants âgés de 3 à 12 ans
  • Attention, la dernière entrée sur le site se fait à 16H30, sauf le dimanche (dernière entrée à 11h30) !
  • Temps/durée de visite de la Savane des Esclaves : comptez entre 2 et 3 heures de visite

Occupation précolombienne de la Martinique

Les Amérindiens Taïnos (Arawaks)

Avant l’arrivée de Christophe Colomb, le continent américain dans son ensemble était habité par une multitude de peuples amérindiens. Les premiers à avoir colonisé la Martinique sont les Amérindiens Taïnos, un peuple Arawak de culture saladoïde. Le terme « Arawak » ne correspond pas à une ethnie en particulier mais à une famille linguistique, regroupant plusieurs populations établies originellement en Amérique du Sud. Les Taïnos, originaires du delta de l’Orénoque au Venezuela, commencèrent peu à peu à coloniser les Antilles. Les Taïnos étaient semble-t-il un peuple de chasseurs, de pêcheurs et d’agriculteurs plutôt pacifistes. Ils produisaient en outre des poteries sophistiquées que l’on retrouve un peu partout dans les Antilles.

Leur présence est ainsi attestée en Martinique depuis 500 avant J-C, dans le Sud Atlantique. En 295 après J-C, les Arawaks de Martinique sont décimés par l’éruption de la Montagne Pelée, le volcan situé au Nord de l’île. Il faudra attendre l’an 400 pour que les Taïnos reviennent de nouveau peupler l’île… On sait en réalité peu de choses sur les Arawaks, en raison de l’absence d’écritures. Les historiens débattent encore actuellement des causes réelles de leur disparition.


Les Amérindiens Kalinagos ou Caraïbes

Entre 1300 et 1400, un autre peuple originaire du Venezuela vient à son tour s’installer en Martinique et dans toutes les Petites Antilles. Il s’agit des Kalinagos, les « hommes forts », qui appellent la Martinique « Iouanacaera » (l’île aux iguanes). Les conquistadors Espagnols, qui sont les premiers à les rencontrer, les renommeront Caraïbes, Caribes ou encore Cannibales ! L’Histoire établie indique que les Kalinagos auraient massacré et chassé les Taïnos vers les Grandes Antilles, à Hispaniola et Porto Rico, où ces derniers vivaient encore à l’arrivée de Colomb en 1492.

Colomb et les conquistadors vont participer allègrement au génocide des Taïnos dans les Antilles en les réduisant en esclavage et grâce aux maladies importées d’Europe…

Cette théorie du « remplacement » des Taïnos (Arawaks) par les Kalinagos (Caraïbes) est racontée par les chroniqueurs Européens de l’époque, qui décrivent cette deuxième nation comme un peuple fier, belliqueux et conquérant. Mais ce raisonnement est remis en cause depuis plusieurs années. On n’a en effet retrouvé aucune céramique Kalinago sur des sites précolombiens… De fait, toutes les céramiques Caraïbes retrouvées jusqu’alors datent de la période du contact avec les Européens, infirmant la thèse du massacre des Arawaks par les Caraïbes !

Une famille Kalinago telle qu’imaginée par Jean-Gabriel Stedman en 1796 © wikipedia

Les premiers récits espagnols décrivent ainsi « de doux et innocents » Taïnos terrifiés par leurs sanguinaires « voisins Caraïbes », « des hommes cruels, avec un œil sur le front, dévoreurs de chair humaine… » D’autres, comme Moïse Caillé de Castres, rapporteront des scènes d’anthropophagie rituelle avec leurs ennemis Arawaks. Mais c’est oublier la nécessité pour les Européens de l’époque de justifier la future extermination des Amérindiens, car les Kalinagos sont ceux qui ont le plus farouchement résisté aux Espagnols. On dénombre en effet une dizaine de raids Caraïbes sur Porto Rico ou encore le rapt de 2 000 Noirs et Espagnols par les Kalinagos à Trinidad en 1612. Aussi, les allégations de sacrifice humain et de cannibalisme qu’on leur a prêté seraient à mettre au compte d’une forme de propagande coloniale, pour diaboliser les Kalinagos et justifier ensuite massacres et spoliations de territoires.

Comme dans le cas des Arawaks, la société Kalinago est mal connue. Quelques détails de la vie des Kalinagos nous sont parvenus grâce au témoignage de l’Anonyme de Carpentras. Son auteur rédigea le récit d’un voyage de flibuste entre Dieppe et le Nouveau-Monde en 1618. Il s’agit de la plus ancienne source d’informations sur les Kalinagos et sur la Martinique, avant la colonisation officielle de l’île en 1635. Après l’échouage de leur navire sur les côtes martiniquaises en 1619, les Kalinagos ont soigné et recueilli l’équipage (dont faisait partie l’Anonyme), leur permettant de vivre parmi eux pendant 10 mois, en parfaite harmonie ! L’une des particularités rapportées par l’Anonyme est que les hommes et les femmes Kalinagos ne parlent pas la même langue !

Que reste-t-il des Kalinagos aujourd’hui ? Une réserve de 15 km² a été créée sur l’île de la Dominique en 1903 pour accueillir les derniers Amérindiens survivants de la colonisation européenne dans la Caraïbe. De nos jours, 2 000 à 3 000 Kalinagos habitent le Kalinago Territory où ils vivent du tourisme. Il existe également une autre communauté de Kalinagos, bien plus importante, celle des Caraïbes Noirs que l’on appelle Garifunas (« mangeurs de manioc »). Issue du métissage entre Amérindiens et esclaves Africains évadés (Nègres marron), ils ont été chassés des Antilles au XIXème siècle. Comptant une population d’environ 500 000 personnes, les Garifunas vivent désormais sur les côtes du Honduras et du Bélize et ont conservé la langue de leurs ancêtres Kalinagos, contrairement à ceux de la Dominique.


Colonisation européenne de la Martinique

Premiers contacts avec les Européens

La « découverte » européenne de la Martinique est attribuée à Christophe Colomb, lors de son quatrième voyage vers le Nouveau Monde. Il débarque sur la plage de la future ville du Carbet le dimanche 15 juin 1502. Cependant, il semble désormais admis que c’est Alonso de Ojeda, un conquistador Espagnol, qui ait observé l’île pour la première fois entre 1499 et 1500, sans y avoir accosté. Malgré ce premier contact avec les Européens, la Martinique qui s’appelle encore Iouanacaera est laissée à peu près tranquille pendant quelques décennies. En effet, les Espagnols sont les premiers Européens à s’installer dans le Nouveau Monde. Ils peuplent préférentiellement les Grandes Antilles et le continent américain, mais délaissent les Petites Antilles, jugées trop petites. Néanmoins, Français, Anglais et Néerlandais font souvent halte sur l’île pour se ravitailler en eau, s’approvisionner en vivres et commercer avec les Kalinagos.


Prémices de la colonisation française en Martinique

La première colonie française permanente d’Amérique est établie sur l’île de Saint-Christophe (aujourd’hui Saint-Kitts-et-Nevis au Nord des Petites Antilles) en 1625, par Pierre Belain d’Esnambuc. Coutumier des eaux de la Caraïbe, le flibustier est approché par le cardinal de Richelieu en 1626. En tant que Ministre Principal et Grand-maître de la navigation, ce dernier souhaite étendre l’influence et le rayonnement du Royaume de France. Belain d’Esnambuc parvient à convaincre Richelieu de l’intérêt économique à cultiver le tabac, la canne à sucre et l’indigo dans les « Isles d’Amérique ».

La Compagnie des seigneurs de Saint-Christophe est ainsi fondée en 1626 afin de développer l’expansionnisme français aux Antilles et exploiter des concessions à Saint-Christophe et dans les îles voisines. Mais l’établissement d’une colonie pérenne à Saint-Christophe est finalement un échec. La compagnie est alors recapitalisée et renommée Compagnie des îles d’Amérique par Richelieu en 1635. Le but est alors de redynamiser l’entreprise de colonisation d’autres îles des Petites Antilles…

Pierre Belain d’Esnambuc débarquant à la Martinique en 1635 par Théodore Gudin © wilkipedia

Belain d’Esnambuc débarque en Martinique dans la rade de la future ville de Saint-Pierre le 15 septembre 1635, avec 150 colons provenant de l’île de Saint-Christophe. Après l’abandon de la colonie de Saint-Christophe et l’établissement d’une colonie en Guadeloupe par deux capitaines rivaux, l’objectif de Belain d’Esnambuc est de s’établir durablement en Martinique ! Il fonde ainsi la toute première colonie européenne en Martinique, en s’installant dans la moitié Ouest de l’île, après un accord relatif des Kalinagos pour s’installer sur l’île. Le fort Saint-Pierre (démoli en 1837, il deviendra le quartier du Fort) et le fort Saint-Louis (actuelle ville de Fort-de-France) seront les premiers établissements français édifiés en Martinique. Parallèlement à l’arrivée des colons, des missions religieuses sont envoyées sur place, dans le but d’évangéliser les Kalinagos.


Peuplement français en Martinique

La colonisation de la Martinique consiste à exploiter les ressources naturelles de l’île et « mettre en valeur » le territoire, c’est-à-dire cultiver et fabriquer des denrées pour l’exporter en métropole. Au départ, le peuplement français de la Martinique s’appuie largement sur l’engagement des Trente-six mois ou Engagés, qui représentent 60% des Français arrivés sur l’île. La plupart étaient des paysans provenant du Nord-Ouest de la France (Normands et Bretons notamment), venus pour cultiver le pétun (tabac).

Il s’agit de travailleurs Blancs qui s’engagent à travailler 3 ans pour la Compagnie des îles d’Amérique ou de riches propriétaires terriens, afin de rembourser leur voyage jusqu’aux Antilles. Leur rêve de faire fortune s’évanouit très vite, car les 3 années de labeur s’apparentent quasiment à de l’esclavage. S’ils arrivaient à survivre au bout de leur 36 mois d’engagement, ils devenaient libres et une parcelle de terre leur était accordée, afin de devenir propriétaire à leur tour.

L’île accueille également des repris de justice dont la France veut se débarrasser (30%) ainsi que des cadets de famille (10%), des fils de nobles sans héritage. Ces derniers vont constituer la future population de Békés. Lorsque l’économie de l’île se tourne vers la production de sucre dans les années 1660, la demande en main-d’œuvre est telle que la colonie se tourne vers les esclaves Africains… Copiant Portugais et Espagnols qui pratiquent la traite négrière depuis plus de 150 ans ! Les premiers esclaves Africains arrivent en Martinique dès 1638 alors que Louis XIII n’autorise la traite dans les colonies françaises qu’en 1642…


La traite transatlantique et l’asservissement des Noirs

Tâche indélébile dans l’histoire et dans les cœurs, la traite négrière constitue toujours, plus de 175 ans après l’abolition de l’esclavage, un sujet douloureux et clivant. Malheureusement, les politiques des différents gouvernements n’ont jamais su traiter, ni aborder ce sujet avec dignité et honnêteté… Pour preuve, la commémoration de l’abolition de l’esclavage n’est « célébrée » que depuis 2006 – le 10 mai – alors que cet honteux trafic a fortement contribué à l’enrichissement de la France et de l’Occident dans son ensemble !

Pendant plus de 4 siècles – de 1441 à 1867 – on estime que près de 15 millions de personnes furent arrachées à l’Afrique et déportées aux Amériques, dans toutes les colonies du Nouveau Monde…


Du sucre… Au prix de la sueur et du sang…

Une histoire de sucre…

Au XVème siècle, la république de Venise possède le monopole commercial du sucre en Europe ! Elle importe du sucre de canne depuis le Moyen-Orient et la Méditerranée pour le diffuser ensuite dans le reste de l’Europe. Malgré son prix prohibitif (le sucre est à cette époque un produit de luxe), sa consommation ne cesse de croître ! Néanmoins, les rendements de la canne à sucre diminuent rapidement. La canne nécessite une irrigation importante et c’est une plante exigeante, appauvrissant très rapidement les sols. Sa culture nécessite donc constamment de nouvelles terres… Excellents navigateurs et avides de découvertes, les Portugais sont les premiers Européens à se lancer dans la culture de la canne à sucre, en dehors de la Méditerranée. Ils débutent en 1419 avec la découverte et la colonisation de Madère, au large du Maroc. En y important des plants de canne à sucre, Madère devient en quelques décennies le premier fournisseur de sucre en Europe occidentale.


São Tomé, laboratoire d’expérimentation de la traite négrière…

En 1471, les Portugais franchissent une seconde étape en poursuivant leurs explorations le long de la côte Ouest africaine. Ils découvrent l’île inhabitée de São Tomé (aujourd’hui l’archipel de São Tomé-et-Principe), situé à 240 km au large de l’actuel Gabon. C’est à cet endroit précis que va naître le système économique le plus rentable de tous les temps… L’exploitation intensive de la canne sous les tropiques, grâce à une main-d’œuvre servile et corvéable à merci – l’esclave Africain – va devenir la nouvelle ambition du roi João II Le Sévère…

Pour se faire, les Portugais instaurent des relations diplomatiques et commerciales avec les Royaume du Kongo et du Bénin, avec qui ils commercent depuis 1415. Les produits manufacturés en provenance du Portugal sont alors échangés contre des esclaves Africains, provenant d’autres contrées ou de royaumes vaincus. Ces derniers sont ensuite déportés en masse vers São Tomé, à raison de 4 000 par an pendant un siècle, pour exploiter la canne et produire l’or blanc qui enivre l’Europe, en transitant par Lisbonne.

La canne à sucre, objet de toutes les convoitises…

Le commerce triangulaire vient de naître ! Avec lui, un nouveau modèle de société se met en place, basé sur la hiérarchie des races. Entrainant avec lui son lot d’horreurs, afin de maintenir sous son joug une population toujours plus nombreuse et hostile… À São Tomé, les esclaves réduits à l’état de bêtes ne sont ni logés, ni nourris, ni habillés. Ils se débrouillent en effet tout seuls pour assurer ces besoins vitaux… Tortures, mutilations et viols rythment la vie des captifs qui travaillent dans les champs de canne plus de 14 heures par jour… Cette violence extrême et ces conditions de vie inhumaines réduisent la durée de vie d’un adulte à 3 ou 4 ans maximum… Mais la productivité est telle que jusqu’en 1530, São Tomé produit près de 80% du sucre mondial !

En parallèle, les Portugais découvrent le Brésil en 1500. Ces vastes terres continentales requièrent une main-d’œuvre importante. Les Amérindiens ayant été décimés par l’esclavage, les mauvais traitements et les maladies importées par les conquistadors, les Portugais vont tout naturellement se tourner vers São Tomé pour se fournir en esclaves Africains. Les Lusitaniens de São Tomé vont ainsi devenir les intermédiaires incontournables pour acheminer les esclaves depuis la côte Ouest africaine vers les Caraïbes et le Brésil, dès 1516.

Pendant 400 ans de traite transatlantique, près de 4 millions d’Africains furent déportés au Brésil, parmi les 15 millions de malheureux arrivés dans le Nouveau Monde, soit plus de 25% des captifs !

Avec le temps, la population Noire va très largement dépasser celle des Blancs de São Tomé. Les mauvais traitements vont bien entendu entrainer des révoltes, durement réprimées par Lisbonne, qui souhaite garder la mainmise sur le « joyau de l’empire » portugais. En 1595, une insurrection générale va embraser São Tomé, des suites d’un soulèvement d’esclaves menée par Amador, un esclave marron natif de São Tomé. Les esclavagistes mettront près d’un an pour mater la révolte, qui bouleversera le destin de l’île (une soixantaine de fabriques à sucre ont été détruites). L’expérience santoméenne ayant montré ses limites et l’économie sucrière exigeant toujours plus de terres, les Portugais décident de démonter les moulins, les usines et les fours pour les transférer de l’autre côté de l’Atlantique, dans le Nordeste brésilien…


Mécanismes et caractéristiques de la traite négrière

Pourquoi toutes les puissances européennes colonisatrices des Amériques se sont lancées dans cet odieux trafic d’êtres humains pendant plus de 400 ans ? L’esclavage existe sans aucun doute depuis la Nuit des Temps et un grand nombre de peuples l’ont pratiqué, sur tous les continents. Mais la traite atlantique représente l’apogée de ce phénomène global et tout ce que l’Humanité a pu faire de pire en la matière. Pour comprendre ce phénomène, il faut l’aborder par le prisme économique, en écartant tout autre aspect (sociologique ou philosophique).

L’Europe n’a pas eu le monopole de la traite : entre le VIIè siècle et le début du XXè, les Arabes et les Ottomans ont mené des razzias en Afrique Subsaharienne et en Europe afin d’alimenter en esclaves le monde musulman. Le nombre total de personnes réduites en esclavage dans le monde musulman […] varie de 12 à 17 millions.

GEO Histoire janvier – février 2025 / Les mille visages de l’esclavage

À cette époque, on ne connaît pas encore le pétrole. La seule source d’énergie disponible autre que l’éolien (moulins, bateaux à voile) est la force motrice – des bras donc, humains ou animaux – qu’elle soit rémunérée (salariat) ou contrainte (esclavage). Et les puissances coloniales vont s’enrichir dans des proportions jusque-là inégalées, grâce au travail forcé de millions de captifs ! La traite négrière occidentale pousse le phénomène de l’esclavage à son paroxysme pour les raisons suivantes :

Mondialisation : on parle de commerce triangulaire car il s’agit dorénavant d’une mondialisation des échanges sur 3 continents ! Des marchandises de troc achetées à crédit (armes, alcool, métaux ou étoffes) sont chargées dans les ports négriers d’Europe pour être échangées sur les côtes d’Afrique de l’Ouest contre des esclaves, approvisionnés par des intermédiaires locaux, Africains eux aussi. C’est d’ailleurs ce qu’on appelle la traite intérieure africaine, qui a alimenté ce trafic honteux, avec cupidité et complicité de la part même des Africains… Les malheureux captifs étaient ensuite embarqués pour traverser l’Atlantique et être vendus dans les marchés aux esclaves du Nouveau Monde : États-Unis, Antilles, Amérique Centrale et Brésil. Les propriétaires des navires se faisaient payer en espèces ou en denrées produites aux Amériques (sucre, café, cacao, coton ou tabac), qu’ils pouvaient ensuite revendre très cher à leur retour en Europe. On estime que les profits des expéditions de traite avoisinent les 15 à 20%.

Racisme : la traite transatlantique a fabriqué le racisme (et non l’inverse) ! Avant la traite, on distingue une multitude de peuples européens : Portugais, Espagnols, Français, Britanniques ou Néerlandais) ; et africains : Fanti, Ashantis, Yorubas, Igbos, Ijos, Mendé ou Ibéji. Mais, une fois à bord des négriers, ces différences culturelles et linguistiques sont tout bonnement effacées ! Les châtiments corporels et humiliations des uns se heurtent aux pleurs et à la souffrance des autres… On ne distingue plus que les Blancs esclavagistes d’un côté et les esclaves Noirs de l’autre. La distinction de couleur de peau et plus tard du concept de « race » n’existe tout simplement pas avant, car ces groupes sociaux sont nés DE et PAR la traite négrière ! D’ailleurs, le mot « esclave » est dérivé du mot « slave », qui indique l’Europe de l’Est comme premier vivier de captifs durant l’Antiquité.

Ces voyages étaient […] le moment où les esclaves, réduits à leur couleur de peau, « devenaient » des êtres inférieurs […] On cherchait à faire d’eux des « nègres » indifférenciés, face aux matelots qui de leur côté, qu’ils soient Anglais ou Français, étaient érigés en « Blancs supérieurs ».

Les Routes de l’esclavage, histoire des traites africaines VIè – XXè siècle / Catherine Coquery-Vidrovitch (éd. Albin Michel, 2018)

Capitalisme : la traite négrière est l’une des manifestations du capitalisme naissant en Occident, au sortir du Moyen-Âge ! Il s’agit d’un système économique basé sur la propriété privée des outils de production (les esclaves Noirs), sur la libre concurrence et structuré en vue de maximiser les profits. Ainsi, l’enrichissement profite à tous les acteurs Blancs de la « chaîne de valeur » : planteurs propriétaires d’esclaves, armateurs, ports négriers, fabricants de bateaux et de voiles, banques, états…). Ce commerce nécessite des capitaux extrêmement importants pour acheter esclaves et marchandises de troc très onéreuses. La traite est ainsi soutenue par des prêts bancaires et des assurances permettant de limiter les risques de pertes financières en cas de naufrages, ou de décès des esclaves pendant la traversée.

Industrialisation : la traite transatlantique a mené à la déportation de 15 millions de personnes sur une période s’étalant sur 400 ans, avec un apogée situé au XVIIIème siècle où 60% des expéditions furent réalisées ! Bien que le nombre de captifs charriés par la traite orientale (ou arabo-musulmane) ait été sensiblement le même, celle-ci s’est étalée sur près de 13 siècles ! Lorsque la traite négrière s’industrialise au XVIIIème siècle, les marchands d’esclaves Africains signent désormais des contrats sur un nombre de « têtes ». Ils doivent ainsi fournir un nombre d’esclaves annuellement, déterminé à l’avance. Il ne s’agit donc plus d’opportunisme lié aux butins de guerres mais bien à de la spéculation dans un système capitaliste. Les esclaves sont, en outre, comptés et vendus par lots…

Violence et déshumanisation : l’esclave étant considéré comme une simple marchandise, leurs propriétaires usent de tous les vices et sévices pour garder les malheureux sous leur domination et augmenter la productivité dans les plantations. Marquage au fer rouge, viol, séparation des couples, des fratries et des familles, pendaison, décapitation, amputation de membres ou coups de fouets sont quelques-uns des « instruments » utilisés pour maintenir un régime de terreur parmi les esclaves !

L’esclavage est un système socio-économique reposant sur l’exploitation d’êtres humains, qui ne fonctionne que sous la contrainte et par la violence. L’esclave est une personne qui n’est pas de condition libre : il appartient à un propriétaire exerçant sur lui un pouvoir absolu. Considéré comme un bien mobilier, l’esclave peut être vendu et séparé de sa famille ; il est contraint d’effectuer tous les travaux que son propriétaire exige de lui.

Mémorial de l’abolition de l’esclavage de Nantes


L’horreur du « Passage du Milieu »

Le long voyage de l’intérieur du continent vers le littoral

Les malheureux, capturés lors de razzias ou faits prisonniers lors de guerres tribales, sont convoyés de force depuis l’intérieur de l’Afrique vers le littoral atlantique par des marchands d’esclaves Africains. Ils marchent ainsi en longues caravanes, des semaines voire des mois durant, jusqu’aux établissements de la côte Ouest du continent. Les états européens y ont en effet érigé plusieurs forts et comptoirs. Ces forts sont destinés à stocker les marchandises de troc mais aussi à accueillir des milliers d’esclaves en transit, parqués avant de prendre la mer.

« Noir au bois Mayombe » – 1786-1787 © Archives du Calvados

Pour des questions de rentabilité du voyage, les navires négriers ne partent que lorsqu’ils sont pleins ! Gorée ou Saint-Louis au Sénégal, Ouidah au Bénin, Cape Coast au Ghana ou encore São Tomé sont restés tristement célèbres comme centres concentrationnaires, avant la déportation vers les Amériques ! À ce moment de la traite, un grand nombre de captifs est déjà mort sur le trajet jusqu’à la côte ou dans les baraquements


La traversée de l’océan atlantique

La traversée de l’Atlantique, que l’on surnomme le « passage du milieu » est un véritable calvaire pour les captifs ! Concentré de la violence et de l’horreur de la traite, cette étape marque le déracinement des Africains à leur terre… Recherche de profit oblige, les marchands d’esclaves et les capitaines de navires négocient le prix des esclaves avant de pouvoir les charger à bord et prendre la mer. Du côté des négriers, le but est d’arriver aux Amériques juste avant la période de récolte de la canne (étape demandant le plus de main-d’œuvre), moment où les esclaves se vendent le plus cher. Et les marchands d’esclaves le savent bien !

Ils font ainsi durer les négociations pendant plusieurs semaines, afin de faire grimper les prix et vendre leurs captifs beaucoup plus cher ! Lorsque le marché est conclu entre négriers et marchands d’esclaves, les captifs sont rassemblés en lots, marqués au fer rouge et embarqués sur des chaloupes jusqu’au négrier. La traversée dure ensuite entre 2 et 3 mois, où les esclaves sont ballotés dans des conditions épouvantables, qui expliquent la forte mortalité des captifs pendant le voyage.

          Carte représentant le commerce triangulaire et les principaux ports de la traite en Europe et en Afrique

L’exemple du Marie Séraphique est particulièrement édifiant et permet de bien se rendre compte de l’ignominie de ce trafic d’êtres humains ! Navire datant de la fin du XVIIIème siècle et conçu spécifiquement pour la traite, il prit part à 6 expéditions depuis le port de Nantes. Ce négrier et sa « cargaison » humaine furent l’objet de plusieurs aquarelles, réalisées par le patron de chaloupe opérant sur le navire. Ces représentations constituent aujourd’hui l’un des rares témoignages visuels de l’horreur de la traite, conservées au musée d’histoire de Nantes. Sur une coupe du vaisseau, apparaissent en bas les deux niveaux de la cale, remplis de vivres (riz, fèves, biscuits) et de barriques d’eau et de vin. Sur le pont supérieur, encore des barriques, des animaux vivants ainsi que des canons.

Détails de l’entrepont du Marie Séraphique © chateaunantes.fr

Au niveau de l’entrepont, localisé entre la cale et le pont, sont entassées 312 silhouettes noires. Les hommes, nus, sont entravés deux par deux – la jambe gauche de l’un est enferrée à la jambe droite de l’autre – à l’avant du bateau dans le « parc aux hommes ». Les femmes et les enfants, en moindre nombre – nus également – sont entassés à l’arrière dans le parc aux femmes. Avec le souci du détail, l’auteur de l’aquarelle montre combien l’espace est particulièrement exigu et que tout a été fait pour y entasser le maximum de personnes… L’espace extrêmement restreint oblige les malheureux à être couchés sur le côté, emboîtés les uns derrière les autres comme des cuillères. C’est en effet la position qui permet aux captifs de respirer le mieux dans ces conditions… D’une hauteur de 140 à 170 cm, l’entrepont est complété de plateformes à mi-hauteur pour y amasser encore plus de monde ! Cinq captifs pouvaient ainsi être agglutinés dans un volume inférieur à 1,5 m³…

Le détail des marchandises transportées sur le Marie Séraphique laisse apparaître la mention de « 192 Nègres, 60 Négresses, 51 Négrillons et 9 Négrittes », totalisant 312 captifs au départ de Loango (actuel Congo) pour 298 à l’arrivée…

Sur ces prisons flottantes, l’équipage est en très large infériorité numérique (environ 10% de la population du vaisseau). Un mur de séparation est donc érigé sur le pont supérieur, et percé de meurtrières pour contrer toute tentative de mutinerie. Lors des insurrections – on estime que 10% des négriers français et anglais ont vécu des révoltes d’esclaves -, l’équipage usait de tous les instruments de terreur possibles (coups de fouets, mutilations, pendaisons ou noyades) pour faire des exemples et stopper les révoltes. Autre particularité de cet enfer concentrationnaire, le négrier est équipé de filets disposés le long du navire afin d’empêcher le suicide des esclaves souhaitant se jeter à l’eau…

Plan, profil et distribution du navire la Marie Séraphique © chateaunantes.fr

Tant que le continent africain est encore à portée de vue, les esclaves restent enfermés dans l’entrepont afin d’éviter les révoltes, l’espoir de regagner la côte étant encore très élevé parmi les captifs. Lorsque la météo est assez clémente, ils sont autorisés à sortir sur le pont en journée, par groupes de quelques individus – toujours enchaînés – pour pouvoir se dégourdir les jambes, effectuer des travaux manuels et « danser » (pour désankyloser les muscles). Ces « rafraîchissements » deviennent plus fréquents vers la fin du voyage, afin d’améliorer l’état général des esclaves avant la vente qui approche… Tous les jours, les bailles à déjection sont vidés, l’entrepont est gratté et nettoyé au vinaigre par les esclaves.

Mais en cas de mauvais temps, les déportés restent couchés et enchaînés dans l’entrepont et vivent un véritable enfer dans l’obscurité, l’air vicié, la puanteur, les vomissements et les excréments… Un terrain propice à la propagation d’épidémies, dysenterie en tête, qui explique le décès de 13% des captifs, en moyenne, pendant le voyage ! Les esclaves morts pendant la traversée sont ainsi balancés par-dessus bord, comme de vulgaires déchets… Il est à noter que les marins meurent aussi durant ces expéditions, dans des proportions similaires.

  • En moyenne, 76 000 captifs ont été déportés chaque année
  • Un bateau pouvait transporter entre 400 et 600 esclaves lors d’une traversée qui durait entre 2 et 3 mois
  • Sur les négriers, 33% des esclaves étaient des femmes et on comptait 22% d’enfants
  • Au XVIIIème siècle, 1 million d’esclaves furent envoyés dans les Antilles Françaises, dont 775 000 rien qu’à Saint-Domingue !

Débarquement aux Amériques et revente des esclaves

Dans les ports d’Amérique, l’extrême puanteur émanant des navires négriers pouvait se faire sentir à plusieurs kilomètres du port, annonçant la vente à venir… Avant le débarquement, les esclaves étaient soumis à une quarantaine à terre ou à bord du navire. Le chirurgien de bord veillait à redonner un aspect présentable aux esclaves : on les lavait, les cheveux et les ongles étaient coupés, les corps étaient enduits d’huile de palme et les plaies étaient maquillées, de façon à les vendre au meilleur prix aux planteurs. En fonction de la période de l’année, de l’âge, du sexe et de l’état physique des esclaves, leur prix varie entre 950 et 1 500 euros (équivalent en devise de l’époque), payé le plus souvent à crédit. La revente des esclaves, très lucrative, est 4 à 5 fois plus élevée que leur prix d’achat sur la côte africaine. Aux Antilles, les esclaves sont exhibés nus pendant les ventes où les potentiels acheteurs examinent les yeux, les dents, la peau ainsi que la vigueur des individus…

Vente d’esclave à la Martinique, vers 1826 par Julien Léopold Boilly © wikipedia

La vie dans les habitations de Martinique (XVIIème – XIXème siècles)

Lorsque la vente est scellée, un nouvel enfer s’ouvre pour les personnes ayant survécu à la traversée ! Le processus de déshumanisation continue et s’accentue encore. Les esclaves sont marqués au fer chaud avec une étampe sur les deux côtés de la poitrine, avec la marque distinctive ou les initiales de leur nouveau propriétaire. Un nouveau prénom leur est imposé, le plus souvent d’origine chrétienne mais il peut aussi s’agir de prénoms fantasques ou autres sobriquets. Les esclaves Africains sont également convertis de force au christianisme ! Il va également de soi qu’ils doivent apprendre une langue et des mœurs qui leur sont jusque-là totalement inconnues…

Leur identité passée est donc purement et simplement effacée ! Séparés de leur famille et de leur groupe ethnique – les enfants peuvent tout à fait être séparés de leur mère et de leur père -, ils atterrissent dans une habitation… Le plus souvent, il s’agit d’une plantation sucrière (dans 45% des cas) où les malheureux sont affectés au travail de la canne, tâche particulièrement physique et harassante. Dans le reste de cet article, nous nous intéresserons précisément à l’habitation sucrière.

En Martinique, le terme « habitation » (au sens d’habitation sucrière ou caféière) désigne à la fois la maison, le domaine agricole avec ses plantations ainsi que les installations industrielles (moulins, fabriques à sucre…)


Organisation et fonctionnement d’une habitation créole

En Martinique et dans l’ensemble des Antilles, c’est d’abord la culture du pétun (tabac) qui va prédominer lors des premières années de colonisation. S’ensuivront le café, le cacao, l’indigo, le coton et surtout la canne à sucre, à partir des années 1660. L’accroissement de la culture de la canne va aboutir à la création de la société d’habitation, une structure agraire faisant appel à une main-d’œuvre très nombreuse logée sur place, afin de maximiser la production de sucre. Les habitations sont des micro sociétés qui fonctionnent en autarcie quasi complète ! La nourriture (agriculture vivrière) comme les outils sont produits et fabriqués sur place, on y trouve un hôpital et des installations semi-industrielles (moulins, chaudières et fours, fabriques à sucre). Les esclaves sont logés sur place dans une « rue Case-Nègres », le tout à proximité des champs à cultiver, bien sûr dominée par la maison du maître.


Organisation sociale au sein de l’habitation créole

L’habitation est régie selon une organisation très hiérarchisée, basée sur le statut social et la couleur de peau. Au sommet de la pyramide, le propriétaire ou maître de l’habitation (colon, planteur ou Grand Blanc) est bien souvent un riche armateur de métropole ou un cadet de famille noble, qui constituera plus tard la classe sociale des Békés. La gestion et l’exploitation de l’habitation peuvent être laissées au gérant, un parent ou un ami du maître, qui va gérer le quotidien de l’habitation en suivant la production et en y établissant des rapports comptables (inventaire du domaine, liste des recettes et des dépenses).

Dans sa tâche, le colon ou le gérant sont secondés par 2 ou 4 économes Blancs (aussi appelés contremaitres) qui vont gérer à leur tour une partie des travaux et des esclaves. En tant que subordonné de l’économe, le commandeur est le dernier maillon de la chaine de commandement sur l’habitation et « commande » généralement 30 esclaves. Il s’agit de la personne dépositaire de l’autorité et de la discipline sur les esclaves de l’habitation, celui qui est le plus redouté. Au fur-et-à-mesure du développement de la traite, le rôle de commandeur jusqu’ici tenu par des Blancs libres sera dévolu aux mulâtres, puis à d’autres esclaves au cours du XVIIIème siècle.

Détails d’une habitation sucrière des Antilles en 1667 par Sébastien Leclerc © Bibliothèque Nationale de France

À la base de cette échelle sociale raciste, les esclaves Noirs sont eux aussi classés en différentes catégories. Les esclaves de case (ou domestiques) bénéficient d’un régime de faveur. Logés dans des cases à proximité de celle du maître, ils sont relativement bien nourris et leur nombre est généralement proportionnel à la richesse du colon. Il s’agit de cuisiniers, de cochers, de serveurs, de blanchisseuses, de couturières ou de nourrices qui allaitent et s’occupent des enfants du maître. Malgré des conditions de travail plus agréables que dans les champs, les femmes domestiques paient un lourd tribu. Elles sont en effet très largement exposées aux violences sexuelles du maitre ! 

La deuxième catégorie d’esclaves concerne les ouvriers ou « nègres de talent ». Il s’agit de professions qualifiées en charge des métiers liés à la sucrerie : chauffeurs de fourneaux, mouliniers, responsables de la cristallisation du sucre, maçons, forgerons et cabrouetiers – qui s’occupent de l’entretien des charrettes. Ils sont en général mieux nourris, mieux vêtus et moins surveillés que les nègres de terre…

Esclaves creusant des trous pour planter de la canne à Antigua – William Clark © Wikipedia

Les « Nègres de terre » (ou de jardin) constituent la dernière frange de cette population servile. Il s’agit de la catégorie la plus nombreuse, représentant 70 à 80% des esclaves d’une habitation, elle-même répartie en 3 sous-groupes en fonction de l’âge. Gérés par une esclave âgée ou estropiée, les enfants du panier (entre 6 et 10 ans) sont chargés du ramassage du fumier pour les champs et du transport de la paille de canne pour être brûlée dans la sucrerie. Les adolescents du 2ème panier (entre 10 et 14 ans) ont pour mission de déterrer ignames et patates douces, réparer les cases et aider les maçons.

Les hommes et les femmes du 1er panier sont destinés au travail de la canne et aux travaux industriels de la sucrerie, avec les conditions de travail les plus difficiles et les plus dangereuses ! Ils bêchent, plantent, coupent et ramassent les cannes ou creusent les canaux d’irrigation. Parmi les malheureux affectés au travail dans la sucrerie, membres arrachés et brûlures sont courants durant les opérations de broyage de la canne et de cristallisation du sucre ! Les « Nègres de terre » vivent à proximité des champs dans des cases en torchis et au toit de paille de canne, dans un quartier appelé la « rue Case-Nègres ».


Conditions de travail des esclaves sur les habitations des Antilles françaises

Dans les Antilles françaises, les conditions de travail dans les plantations sont telles que la durée de vie des esclaves est particulièrement courte, de l’ordre de 8 à 10 ans seulement ! Les femmes esclaves sont elles aussi impliquées dans le travail de la canne, qui abime si bien les corps. De récentes fouilles archéologiques dans des cimetières d’esclaves ont montré que les captifs étaient soumis à un travail extrême et abusif, en plus de conditions de vie effroyables – malnutrition, mal logement, mal vêtus et mauvais traitements. L’analyse des ossements de personnes jeunes (moins de 30 ans) montrent ainsi la présence importante d’arthrose, qu’on ne retrouve normalement que sur les sujets âgés.

Ces analyses révèlent aussi des pathologies dentaires liées à la malnutrition (édentation, caries, abcès), probablement liées à la consommation de canne pour calmer la faim. Aussi, les suicides d’esclaves et les avortements ne sont pas rares… L’idée de mettre au monde un être privé de liberté et promis à une existence épouvantable étant impossible à accepter… Par conséquent, le taux de natalité est extrêmement bas et le taux de mortalité très élevé sur les plantations ! Voilà ce qui explique les importations d’esclaves incessantes en provenance d’Afrique, le taux de renouvellement naturel des captifs ne permettant pas de suivre la demande de sucre croissante en Europe…

Le prix relativement élevé d’un esclave est amorti en 4 ans, grâce aux cadences de travail imposées et au faible coût d’entretien de cette main-d’œuvre servile.

La journée de travail des esclaves s’étale du lever jusqu’au coucher du soleil et dure près de 14 heures ! Le travail démarre à 5H du matin, au son de la cloche ou du lambi (coquillage des Antilles). Après une prière suivie de l’appel et un déjeuner, les esclaves partent travailler dans les champs jusqu’à 11H. Le labeur se fait en ligne, le commandeur étant placé à l’arrière pour surveiller la progression du travail, avec fouet et baguette. Les captifs ont droit à une pause déjeuner de 2 heures et le travail reprend jusqu’à la nuit tombée. Au moment de la récolte de la canne, les malheureux peuvent être amenés à travailler très tard la nuit à la lumière du clair de lune.

À partir du XVIIIème siècle, la fourniture de nourriture aux esclaves qui prévalait jusqu’alors est remplacée par l’attribution d’un lopin de terre concédé par le propriétaire. Dès lors, l’esclave assure lui-même sa subsistance en cultivant un bout de terrain pendant le « samedi jardin » ou « samedi nègre », qui fait office de jour de congé. Ce « travail pour soi » est aussi réalisé en partie le dimanche, pendant la pause journalière de 2 heures et le soir. Ce système permet au propriétaire de se dédouaner de ses obligations de nourrir ses esclaves.


Système de punitions et châtiments

La résistance à l’esclavage est une réaction naturelle à l’état de servitude, que l’on retrouve dans toutes les sociétés ayant pratiqué l’esclavage. Comme d’autres avant eux, les esclaves des Antilles se sont toujours soulevés contre ces conditions de vie misérables, depuis leurs lieux de capture en Afrique, la traversée de l’Atlantique sur les négriers et jusque dans les plantations des Amériques ! Cette résistance s’est manifestée sous différentes formes : ralentissement de la production, marronnage, grève de la faim, suicides ou avortements, pour survivre à cette vie misérable dans un environnement baigné de violence. En 1789, la Martinique compte une population de 97 000 personnes, réparties entre 81 000 esclaves (84%), 5 000 libres de couleur et seulement 10 600 Blancs (à peine 11%) !

Cicatrices de flagellation sur l’esclave Gordon à Baton-Rouge – Mathew Brady, 1863 © wikipedia

Le déséquilibre des forces est tel que les esclavagistes sont dans l’obligation de maintenir un climat de brutalité extrême. Ceci, afin de garder la population servile sous leurs ordres, éviter le marronnage et étouffer les révoltes qui pourraient faire vaciller le système colonial et l’économie de l’île. Les esclavagistes vont donc user de toutes les formes de barbarie imaginables pour accélérer la productivité des captifs, corriger la moindre négligence, faire des exemples, punir et terroriser les esclaves ! La violence et la sauvagerie des maitres est ainsi LE principal moyen de contrôle d’une population servile très supérieure en nombre ! Les esclaves étant à la merci d’un propriétaire qui avait tout pouvoir sur eux, les punitions allaient jusqu’à l’extrême cruauté, voire jusqu’au meurtre pur et simple, le système colonial tolérant et encourageant ces agissements.

  • Le fouet : symbole de la traite négrière et de l’asservissement des Noirs aux Amériques. Le fouet rythme la vie et le travail des esclaves, les commandeurs abusant encore et encore de son usage. 50, 100 ou 200 coups de fouet sont parfois assénés aux malheureux dont la chair part en lambeaux à chaque coup. Le sadisme des commandeurs allait jusqu’à introduire du jus de citron, de l’eau salée, du poivre ou du piment dans la plaie, pour dit-on, éviter la gangrène.
  • Les mutilations : la désertion d’un captif hors de la propriété du maître engendre des mutilations comme l’amputation d’une oreille, du tendon d’Achille, d’un pied, du jarret, ou des seins pour les femmes…
  • Le marquage au fer rouge : à l’arrivée du négrier aux Amériques, comme à chaque changement de propriétaire ou en cas de marronnage, les Noirs sont brûlés au fer rouge.
  • La mise aux fers : aux pieds, aux mains ou les deux, permettait d’entraver la marche libre des captifs et rendait le travail encore plus difficile.
  • La muselière : il s’agit d’une pièce métallique empêchant l’esclave de porter quelque chose à sa bouche, et donc ni boire ni manger, sous un climat tropical. Les muselières étaient appliquées pour punir ceux qui étaient surpris à manger de la canne dans le champ de l’habitation.
  • Le carcan : ce collier de fer à 3 ou 4 branches était appliqué sur le cou de la victime pour ralentir les individus qui tentaient de s’enfuir vers la forêt ou la mangrove.
  • La pendaison : sont pendus par la tête, les mains, les pieds ou même le tronc les malheureux qui désertent les habitations.

Le marronnage des esclaves

Le marronnage est un cas particulier de résistance à l’esclavage, où les captifs vont prendre le parti de s’enfuir de leur habitation, avec d’énormes risques à la clé (des chasseurs de Nègres marron sont spécialement missionnés pour les traquer et les ramener à leur maître, la plupart du temps mutilés). Dès 1638, année où les premiers Africains sont débarqués en Martinique, plusieurs d’entre eux s’évadent et rejoignent les Amérindiens Kalinagos ! Les Nègres marron ayant réussi à s’enfuir de l’habitation, seuls ou en groupes, reproduisent des micro-sociétés dans les collines isolées de Martinique (mornes) où ils trouvent refuge.

Le marronnage (dérivé de l’espagnol « cimarrón », qui qualifie le bétail s’étant enfui pour retourner à l’état sauvage sur l’île d’Hispaniola) désigne la fuite des esclaves hors des habitations ; les fugitifs sont alors qualifiés de « marron » ou « Nègres marron ».

Loin des Blancs, ils peuvent continuer à faire vivre les traditions des régions africaines auxquelles ils ont été arrachés (le bèlè traditionnel martiniquais – mélange de chants, de musique et de danse – serait issu de ces groupes de marron). On recense également plusieurs cas de raids où les Nègres marron pillent et incendient des habitations, en parvenant à libérer leurs semblables. L’Histoire retiendra la Cérémonie vaudoue du Bois-Caïman – réunion de Nègres marron à Saint-Domingue – comme point de départ de la révolution haïtienne et de la déclaration d’indépendance de la future Haïti 🙂


Affranchissement des esclaves

Dans de rares cas, certains esclaves pouvaient être affranchis officiellement devant notaire, par rachat de leur liberté ou par grâce de la part de leur maître. Ces cas demeuraient exceptionnels car les autorités souhaitaient contrôler le nombre d’affranchis sur l’île. Une taxe d’affranchissement fut d’ailleurs mise en place en 1740, pour justement freiner ces affranchissements. Le maître pouvait permettre des libérations concernant des personnes trop âgées et ne pouvant plus travailler ou à certains individus ayant réussi à racheter leur liberté, en fonction de leur prix estimé à l’instant T. Ces nouveaux émancipés, qualifiés de « libres de savane » ont une liberté de mouvement et d’activités relative, mais ils ne peuvent pas quitter l’habitation…

Au fil du temps, les mulâtres issus de l’union entre esclaves Noires et maîtres Blancs – il s’agit de viols la plupart du temps – seront affranchis par leurs pères et donneront la catégorie des « libres de couleur » en opposition aux « nègres affranchis ». En tout état de cause, le statut de « libre de couleur » ne les met en aucun cas sur le même pied d’égalité que les Blancs ! Les postes à responsabilité ou les privilèges ne leur sont pas accordés, la ségrégation raciale étant particulièrement tenace aux Antilles françaises.


Le Code Noir

À partir de 1674, les colonies sont directement rattachées à l’autorité du roi Louis XIV, alors qu’elles étaient jusque-là régies par des compagnies de commerce. En mars 1685, cinquante ans après l’arrivée des Français en Martinique, Louis XIV promulgue l’ordonnance royale sur les esclaves des îles de l’Amérique, plus connue sous le nom de Code Noir. Ce recueil de lois destiné aux colonies françaises (Antilles, Océan Indien et plus tard Louisiane) codifie les rapports entre maîtres Blancs et esclaves Noirs et légifère sur les conditions de vie des esclaves, aucune législation n’existant jusqu’alors. Ce symbole de la traite négrière officialise un certain nombre de pratiques déjà existantes et édicte de nouvelles lois, tout en définissant le statut des esclaves.

Article 12 Les enfants qui naîtront des mariages entre esclaves seront esclaves et appartiendront aux maîtres des femmes esclaves et non à ceux de leurs maris, si le mari et la femme ont des maîtres différents.

Article 13 Voulons que, si le mari esclave a épousé une femme libre, les enfants, tant mâles que filles, suivent la condition de leur mère et soient libres comme elle, nonobstant la servitude de leur père, et que, si le père est libre et la mère esclave, les enfants soient esclaves pareillement.

Article 16 Défendons pareillement aux esclaves appartenant à différents maîtres de s’attrouper le jour ou la nuit sous prétexte de noces ou autrement […]à peine de punition corporelle qui ne pourra être moindre que du fouet et de la fleur de lys; et, en cas de fréquentes récidives et autres circonstances aggravantes, pourront être punis de mort […]

Servant de référence au système esclavagiste, le Code Noir intervient dans la plupart des aspects de la vie dans les colonies : religion, coercition (délits, peines, châtiments), logement, nourriture, vêtements, émancipation et affranchissement. Loin d’avoir apporter une quelconque amélioration de la condition de vie des esclaves – il s’agit d’une institutionnalisation de la violence -, cet édit a seulement permis au pouvoir central de Versailles de codifier la vie dans les colonies pour y légitimer l’esclavage (interdit en métropole depuis 1315)… Dans les faits, les textes du Code Noir ont été relativement peu appliqués dans les colonies, les colons étant habitués à « gérer » leurs affaires de façon indépendante de la métropole, située à près de 7 000 km !

Article 25 Seront tenus les maîtres de fournir à chaque esclave, par chacun an, deux habits de toile ou quatre aunes de toile, au gré des maîtres.

Article 33 L’esclave qui aura frappé son maître, sa maîtresse ou le mari de sa maîtresse, ou leurs enfants avec contusion ou effusion de sang, ou au visage, sera puni de mort.

Article 38 L’esclave fugitif qui aura été en fuite pendant un mois […] aura les oreilles coupées et sera marqué d’une fleur de lys sur une épaule ; s’il récidive […] il aura le jarret coupé, et il sera marqué d’une fleur de lys sur l’autre épaule ; et, la troisième fois, il sera puni de mort.

Article 44 Déclarons les esclaves être meubles et comme tels entrer dans la communauté […]


De la hiérarchie des races… Un vocabulaire tiré de la période esclavagiste

En Martinique comme dans les autres colonies françaises, le système esclavagiste repose sur le « préjugé de couleur ». La société créole est alors basée sur la hiérarchisation et la ségrégation des « races », où les Blancs dominent ceux qui ne peuvent justifier d’une ascendance blanche. Ainsi, tout un vocabulaire raciste et rabaisseur s’est mis en place pour classifier et hiérarchiser les personnes non blanches, selon des caractères phénotypiques : couleur de la peau, traits du visage ou type de cheveux.

Cette organisation repose au même titre sur la « part de sang noir » que les individus possèdent dans leur patrimoine génétique. Dans cette société discriminante, une première différence se fait selon l’endroit de naissance des individus. Un(e) esclave Noir(e) provenant d’Afrique et débarquant aux Antilles est qualifié de « nègre nouveau » ou de « négresse nouvelle », que l’on distingue des esclaves Noir(e)s né(e)s dans les colonies, qui sont désigné(e)s comme des « nègres ou négresses créoles ».

  • Nègre, Négresse, Négrillon et Négritte (Homme, Femme, Garçon, Fille) : ces termes extrêmement péjoratifs correspondent aux personnes Noires non métissées, qu’ils soient nés en Afrique ou aux Antilles.
  • Mulâtre, Mulâtresse (Homme, Femme) : ces mots, péjoratifs eux aussi, sont dérivés du mot « mulet/mule » qui est le fruit du croisement entre une jument et un âne, un animal hybride et stérile issu de 2 espèces différentes… Ils se rapportent aux enfants issus de l’union d’un Blanc et d’une Noire. Aujourd’hui, ces termes sont regroupés sous l’appellation de métis.

À cette époque, il s’agit dans la plupart des cas d’enfants nés de viols d’un colon Blanc sur une esclave Noire. Le statut inférieur, voire animal que l’on prête aux populations noires à l’époque n’empêche en aucun cas les maîtres Blancs de s’adonner à leurs plus viles pulsions sexuelles sur des esclaves Noires…

  • Câpre, Câpresse, Cabre et Cabresse (Homme, Femme, Garçon, Fille) : qualificatifs tout aussi péjoratifs que les précédents, ils correspondent aux personnes issues du métissage entre un(e) mulâtre(sse) et un(e) Noire.
  • Quarteron, Quarteronne (Homme, Femme) : ces noms se rapportent aux personnes issues de l’union entre un(e) mulâtre(sse) et un(e) Blanc(he).
  • Octavon, Octavonne (Homme, Femme) : ces dénominations se réfèrent aux personnes issues de l’union entre un(e) quarteron(ne) et un(e) Blanc(he).
  • Chabin, Chabine (Homme, Femme) : se dit d’une personne ayant deux parents noirs (de phénotype afro-caribéen donc) mais présentant une peau claire et des cheveux crépus, avec parfois les yeux clairs.

Le long chemin vers l’abolition

Débuts du lobbying abolitionniste

Vers la fin du XVIIIème siècle, plusieurs organisations sont créées par des intellectuels afin de sensibiliser le public à l’horreur du système esclavagiste pour l’abolir dans les pays pratiquant cet odieux commerce. On est alors en plein siècle des Lumières, qui promeut en outre la science contre l’obscurantisme religieux et remet en question les dogmes établis dans la Société, au travers d’essais philosophiques. Le « Passage du Milieu » et ses conditions de traversée effroyables sont un puissant argument pour justifier l’abolition de la traite auprès du grand public.

Médaillon de la Society for Effecting the Abolition of the Slave Trade « Am I not a man and a brother ? »

C’est ainsi que la Society for Effecting the Abolition of the Slave Trade (Société pour l’Abolition de la Traite des Esclaves) est fondée à Londres le 22 mai 1787. Il s’agit de l’une des toutes premières associations anti-esclavagistes ! Calqué sur le modèle britannique, la Société des Amis des Noirs est établie un an plus tard, le 19 février 1788, à la veille de la Révolution française. Elle a pour but de promouvoir l’égalité entre Blancs et Noirs, arrêter immédiatement la traite négrière et abolir – progressivement – l’esclavage dans les colonies françaises. Dès sa création, les riches planteurs Blancs hostiles à l’abolition fondent le Club de l’hôtel de Massiac, pour repousser ces idées progressistes et maintenir coûte que coûte ce système économique si lucratif…


La Révolution française et ses conséquences

La traite négrière qui sévit depuis 1640 en Martinique va connaître ses premiers soubresauts au moment de la Révolution française. Cette série d’événements marque un véritable tournant et un bouleversement immense en France comme en Europe ! Ces épisodes vont précipiter la fin de l’Ancien Régime, la monarchie absolue et l’avènement de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (Blanc)… Pourtant, cette belle proclamation annonçant que les Hommes « naissent et demeurent libres et égaux en droits » oublie une frange significative de la population des territoires français car elle n’est tout simplement pas appliquée dans les colonies d’outre-mer !

Les colons Blancs refusent indéniablement de l’appliquer en Martinique, et sont aidés en ce sens par le Club de l’hôtel de Massiac, pour représenter l’intérêt des planteurs Blancs à Paris auprès de l’Assemblée nationale constituante, nouvel organe de pouvoir institué par les députés du tiers état. À partir de ce moment charnière, la Martinique se déchire entre les planteurs Blancs royalistes et le siège du pouvoir à Saint-Pierre, devenu révolutionnaire et soutenant l’instauration de la République. Malgré les efforts de la Société des Amis des Noirs, les Constitutions de 1789 et 1791 maintiennent en place la pratique de l’esclavage des Noirs en Martinique… Parallèlement à ces événements, une révolte d’esclaves éclate à Saint-Domingue le 22 août 1791 et provoque l’embrasement de la colonie la plus rentable des Antilles.


Instabilité politique et abolition avortée (1789 – 1794)

Les événements de Saint-Domingue ont une résonance particulière auprès des esclaves des autres colonies françaises, qui croient leur liberté proche. Pourtant, les espoirs d’abolition vont malheureusement rapidement s’évanouir. Le 4 avril 1792, l’Assemblée nationale législative décrète que tout « homme de couleur » libre est désormais élevé au rang de citoyen. L’Assemblée Constituante de Martinique accepte de promulguer cette loi mais de nouvelles dissensions vont venir secouer l’île. Le 21 septembre 1792, la monarchie constitutionnelle est abolie et le Royaume de France devient une république ! En réaction, la Martinique arbore la cocarde blanche royaliste en octobre 1792, sous l’impulsion des planteurs frondeurs, hostiles à la Révolution et ses idées égalitaires ; les patriotes républicains fuient l’île. Décembre 1792, la Convention nationale (ex Assemblée nationale législative) envoie un corps expéditionnaire afin de maintenir l’autorité de la jeune république sur l’île. La guerre éclate alors entre républicains et colons esclavagistes royalistes, menés par Louis-François Dubuc, un planteur esclavagiste né à La Trinité.

Dubuc se rend à Londres pour signer le traité de Whitehall le 19 février 1793, où il représente les colons de Saint-Domingue, de la Guadeloupe et de la Martinique. En échange du contrôle de l’île sous leur domination, les Britanniques s’engagent à maintenir la traite négrière et l’esclavage dans ces trois colonies. Une première tentative d’invasion britannique échoue en mai 1793. Le 16 septembre 1793, les planteurs de Martinique se soulèvent contre le gouvernement révolutionnaire et démarrent une contre-révolution royaliste. Dans le même temps, les événements s’accélèrent à Saint-Domingue, où le commissaire politique Sonthonax est en mission pour la République. Devançant la Convention nationale, Sonthonax décrète de façon unilatérale l’abolition générale de l’esclavage dans la province du Nord de Saint-Domingue le 29 août 1793, pour tous les esclaves combattant pour la République.


Domination britannique de l’île (1794 – 1814)

Le 4 février 1794, la Convention vote et décrète l’abolition de l’esclavage sur tout le territoire national ! Mais deux jours plus tard, le 6 février 1794, une flotte britannique de 16 000 hommes débarque en Martinique et entame un blocus de l’île. L’abolition de l’esclavage de 1794 n’aura donc jamais été promulguée en Martinique ! Après 43 jours de blocus, Rochambeau, le gouverneur républicain de l’île rend les armes le 21 mars 1794… La République française s’éteint et la Martinique passe sous pavillon britannique.

Comme prévu par le traité de Whitehall, la traite négrière et l’esclavage sont maintenus sur l’île – près de 20 000 esclaves supplémentaires sont importés sur l’île pendant les 8 années d’occupation anglaise – poursuivant l’économie de plantation qui préfigure depuis 1660. Aussi, les administrateurs Britanniques vont déporter les habitants favorables à la république et ceux réputés révolutionnaires ou « négrophiles », vers l’île de Guernesey. En parallèle, la toute jeune République Française subit un coup d’état fomenté par un certain Napoléon Bonaparte, qui devient Premier Consul en 1799. Il s’arrogera ensuite, SEUL, tous les pouvoirs en établissant le Premier Empire quelques années plus tard.

Dans le cadre de la paix d’Amiens  – période d’accalmie entre les puissances européennes belligérantes -, la Martinique redevient française le 25 mars 1802, mais l’esclavage y est rétabli par Napoléon, par la loi du 20 mai 1802. Bien que Napoléon soit marié à Joséphine de Beauharnais, la fille d’un riche planteur de Martinique, les recherches récentes montrent que l’impératrice n’a sûrement eu aucun poids dans cette décision de rétablir l’esclavage en Martinique. Le nouveau gouvernement consulaire, extrêmement réactionnaire, vient conforter et renforcer le statut des planteurs tout en supprimant la plupart des avancées gagnées lors des premières années de la Révolution. Ainsi, le statut de citoyen n’est plus accordé qu’aux seuls Blancs. Par ailleurs, l’arrêté du 17 juillet 1802 retire la nationalité française aux libres de couleur…

La paix d’Amiens, qui ne dure que 13 mois, est rompue dès l’année suivante, en 1803. Au terme de plusieurs années de combat – c’est à cette époque que le Rocher du Diamant est fortifié en bastion anglais -, les Britanniques reprennent le contrôle de la Martinique entre le 30 janvier 1809 et le 30 mai 1814. Dans ce contexte guerrier, les Britanniques mettent un terme à la traite des Noirs dans leurs colonies en 1807, mais l’esclavage continue néanmoins. La Martinique est finalement rétrocédée à la France par le traité de Paris des suites de la première défaite de l’empereur Napoléon 1er. Après son retour de l’île d’Elbe où il fut exilé, l’empereur décrète officiellement l’abolition de la traite des Noirs le 29 mars 1815, mais pas l’esclavage…


Concurrence de la betterave sucrière

Parallèlement à ces événements, une nouvelle industrie sucrière naît en Europe en 1812, à partir de la betterave sucrière, grandement influencée par Napoléon. En imposant un blocus continental à la Grande-Bretagne pour affaiblir son économie, Napoléon fait stopper net les importations de sucre en provenance des colonies britanniques, provoquant une flambée des prix du sucre de canne ! L’Europe va alors se tourner vers le sucre de betterave nouvellement développé sur le vieux continent, entrant en concurrence directe avec le sucre de canne…


Vers la liberté (1823 – 1848)…

Un premier acteur va venir perturber la société coloniale, en la personne de Cyrille Bissette, mulâtre libre de couleur et neveu de l’impératrice Joséphine, par sa mère (qui n’est autre que la demi-sœur affranchie de l’impératrice). Issu d’une famille de négociants prospères, Bissette est au départ un fervent défenseur du système esclavagiste, comme la plupart des libres de couleur à l’époque, dont certains possèdent des esclaves. À cet effet, il aide à mater la révolte d’esclaves du Carbet en octobre 1822, en se rangeant du côté des esclavagistes ! Malgré leur statut d’Hommes libres, Bissette et ses semblables ne disposent pas des droits et prérogatives des Blancs : interdiction d’exercer certaines professions ou d’accéder à des postes à responsabilités… Bissette change alors radicalement de camp en rédigeant un pamphlet en 1823, s’intitulant « De la situation des gens de couleur libres aux Antilles françaises ».

Ce brûlot critique très ouvertement le système esclavagiste et réclame l’égalité des droits pour les gens de couleur libres, l’égalité entre Noirs et Blancs ainsi que la fin des châtiments corporels ! Dénoncé par un tiers, la police retrouve à son domicile plusieurs exemplaires de cette diatribe. Jugé par la cour royale, Bissette est marqué au fer rouge et condamné aux galères ainsi qu’à l’exil en 1823… L’affaire « Bissette » va définitivement consacrer la rupture entre planteurs Blancs et libres de couleur, qui étaient jusque-là partisans de l’ordre colonial ! Banni de Martinique, Bissette poursuit son combat abolitionniste depuis Paris. Il fonde ainsi la Société des hommes de couleur et le journal Revue des colonies en 1834, pour sensibiliser l’opinion publique et promouvoir l’abolition immédiate de l’esclavage dans les colonies françaises !

Les bras de la Liberté par Hector Charpentier – ville du Prêcheur

Dans les années 1830, les révoltes d’esclaves incessantes poussent la nouvelle Monarchie de Juillet à reconnaître les droits des libres de couleur. Dans le même temps, la Grande-Bretagne décrète l’abolition progressive de l’esclavage dans toutes ses colonies à partir du 26 juillet 1833. L’émancipation totale des esclaves des colonies britanniques se termine le 1er août 1840, après que les autorités anglo-saxonnes aient accordé de confortables indemnisations aux planteurs Britanniques : 20 millions de livres sterling de l’époque soit ~120 milliards d’euros d’aujourd’hui… En juillet 1835, Bissette fait paraître un projet de loi demandant l’abolition totale et immédiate de l’esclavage ainsi que la liberté et l’égalité pour l’ensemble des habitants des colonies françaises. En réponse aux détracteurs du projet soulevant la question d’une éventuelle indemnité, Bissette se montre tout à fait catégorique en excluant totalement l’idée d’indemniser les planteurs !

« Entre le maître et l’esclave, il ne peut (en) être question. Si l’on voulait absolument en établir une (indemnité), ce serait le maître qui la devrait à l’esclave pour réparation de la violence physique et morale qu’il a exercée sur lui »

Cyrille Bissette, concernant le versement d’éventuelles indemnités aux planteurs

C’est finalement une voix moins radicale qui va avoir une plus grande résonance à partir de 1830, en la personne de Victor Schœlcher. Journaliste et philanthrope d’origine Alsacienne, Schœlcher adopte un discours calme et mesuré, moins effrayant et clivant pour l’opinion publique. Alors que Bissette réclame une abolition immédiate, Schœlcher soutient une abolition progressive, s’étalant sur soixante ans, à la manière des Britanniques. Au départ, Schœlcher est plutôt réticent à l’idée d’émanciper les Noirs, bien qu’il estime que Blancs et Noirs demeurent égaux et qu’ils méritent eux aussi la liberté.

Mais en 1840, après un voyage d’un an aux Antilles et la visite éprouvante d’une habitation martiniquaise, son discours évolue et il se consacre dorénavant entièrement à la cause abolitionniste, pour une libération immédiate et complète des esclaves ! Les lois Mackau sont votées en juillet 1845 sous la Monarchie de Juillet (d’après le nom du ministre de la Marine et des Colonies, Ange René Armand Mackau). Ces lois apportent un certain progrès dans la vie des esclaves des colonies, en réglementant la durée de travail journalière ou en permettant l’instruction religieuse et élémentaire des esclaves

« Je ne vois pas plus que personne la nécessité d’infecter la société active de millions de brutes décorées du titre de citoyen ».

Victor Schœlcher, à propos de l’émancipation des esclaves Noirs, avant son voyage de 1840 en Martinique

Après plusieurs années de troubles, la Monarchie de Juillet est renversée et remplacée par la deuxième République Française en 1848. Dans ce contexte, Schœlcher est nommé sous-secrétaire d’état à la Marine et aux Colonies en février 1848 et va contribuer à faire adopter le décret d’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises le 27 avril 1848 ! L’esclavage est ainsi définitivement aboli en France, 46 ans après son rétablissement par Napoléon Bonaparte ! Bissette, qui a lutté pour l’abolition de l’esclavage une grande partie de sa vie dans l’ombre de Schœlcher n’apparaît pas dans le décret. Son nom finira par tomber dans l’oubli, contrairement à celui de Schœlcher qui sera inhumé au Panthéon et dont le patronyme sera donné à une commune de Martinique (la ville de Case-Navire fut renommée Schœlcher en 1889).


Une abolition promulguée dans la douleur en Martinique

Le décret d’abolition fut adopté le 27 avril 1848. Pourtant, l’abolition de l’esclavage est fêtée le 22 mai en Martinique, qui est d’ailleurs un jour férié. Pourquoi cette différence ? Le décret prévoit l’abolition deux mois après sa promulgation officielle, de façon à garantir la récolte de la canne à sucre, soit à la fin juin 1848… L’océan atlantique sépare la métropole de sa colonie mais les informations circulent et parviennent jusqu’aux esclaves, au grand dam des planteurs. Et c’est justement un esclave, Romain, qui va accélérer la fin de l’esclavage en Martinique ! Le samedi 20 mai 1848, sur l’habitation Léo Duchamp au Prêcheur, l’esclave Romain joue du tambour, un acte pourtant interdit par son maître. Excédé par son esclave, il souhaite le punir et le fait arrêter le lundi 22 mai 1848 au matin. L’arrestation de Romain fait se soulever les esclaves des habitations du Prêcheur qui descendent jusqu’à Saint-Pierre.

L’Abolition de l’esclavage dans les colonies françaises en 1848 – François-Auguste Biard © Wikipedia

Voyant la pression monter parmi la foule, Pierre-Marie Pory-Papy, l’adjoint au maire de Saint-Pierre, mulâtre et avocat, fait libérer l’esclave Romain en fin de journée. L’esclavagiste Huc, maire du Prêcheur, fait tirer sur la foule, entraînant la mort de 25 esclaves révoltés et une cinquantaine de blessés… C’est l’étincelle qui met le feu aux poudres et qui conduit à l’embrasement de Saint-Pierre ! Les plantations sont pillées et dévastées, des maisons sont incendiées et un groupe d’antiabolitionnistes retranché dans la maison Sannois est brûlé vif par une foule en colère. Sous la pression de la foule et du conseil municipal, le gouverneur Rostoland proclame l’émancipation des esclaves dès le lendemain, 23 mai 1848… Avant l’arrivée du décret officiel en Martinique le 4 juin 1848.


Indemnisation des propriétaires d’esclaves

Dans le cadre de l’abolition générale de l’esclavage, la France va verser de copieuses indemnisations aux propriétaires d’esclaves des colonies françaises : 126 millions de francs or, constituant près de 1,3% du revenu national ! En transposant ces chiffres à aujourd’hui, cela équivaut à 27 milliards d’euros ! Parmi les propriétaires d’esclaves Blancs indemnisés (Békés), on trouve également des « libres de couleurs », propriétaires d’esclaves eux aussi… Quid du travail et de la richesse accumulée au prix de la sueur et du sang des millions d’esclaves débarqués aux Amériques ? RIEN, NADA, QUE TCHI… Après avoir travaillé plus de 200 ans gratuitement et dans des conditions épouvantables, les nouveaux affranchis se retrouvent désormais libres et sans le sou, abandonnés à leur sort du jour au lendemain, sans gestion particulière de l’État, et bien sûr sans aucune compensation financière…

Qu’est-ce qui explique qu’Haïti soit aujourd’hui l’un des états les plus pauvres de la planète ? Et quel est le rapport avec les indemnités versées aux planteurs des colonies françaises en 1848 ? En 1825, la France met en place un blocus maritime contre Haïti et la menace de bombardements afin de contraindre la jeune république haïtienne à verser des dédommagements aux anciens colons de Saint-Domingue. En échange de 150 millions de francs or, réduits à 90 millions en 1838, la France s’engage à reconnaître l’indépendance d’Haïti, acquise en 1804… Soldée en 1883, l’indemnité a continué de peser très fortement sur l’économie et le développement du pays jusqu’en 1952, où le pays a enfin terminé de payer les intérêts d’emprunts auprès des banques… Notons que les différents régimes autoritaires et corrompus qui se sont succédés en Haïti ont contribué de façon non négligeable au retard de développement du pays.


Mutation de la société coloniale en Martinique (1848 – 1900)

Nomination des anciens esclaves

Le décret d’abolition de l’esclavage de 1848 met fin à l’application du Code Noir qui régissait la vie des esclaves depuis 1685. Au lendemain de l’abolition, il faut attribuer un nom de famille (qui n’existait pas dans leur vie de servilité) à plus de 67 000 anciens esclaves en Martinique ! Et ce, dans les deux mois suivant la promulgation du décret, en prévision d’élections électorales visant à élire 3 députés pour la colonie de Martinique devant la nouvelle Assemblée Nationale. Devant l’immensité de la tâche, la commission d’abolition de l’esclavage propose de donner un nom aux nouveaux citoyens à partir du calendrier grégorien, de l’histoire ancienne ou d’inventer des noms en intervertissant des lettres de mots pris au hasard… Ces nouveaux noms ne doivent surtout pas provenir de noms de famille en usage dans la colonie (noms de Békés) !

Ce processus de dénomination a été réalisé dans chaque commune et consigné dans des registres appelés « registres des actes d’individualité ». Dans la pratique, le choix du nom est à l’initiative des officiers d’état civil, qui vont laisser des noms saugrenus ou dégradants à certains anciens esclaves comme « Crétinoir, Satan, Négrobar, Gros-Désir ou Bonnarien »… D’après les dernières recherches menées par le collectif CM98, environ 30% des noms donnés aux Martiniquais sont des noms français, 27% sont de la catégorie des surnoms, 12% des anagrammes ou des modifications de prénoms et 13% seraient des noms africains… Souvenir ramenant à une sombre époque, les Martiniquais descendants des anciens esclaves portent encore aujourd’hui les patronymes hérités de cet épisode peu glorieux de l’histoire de l’émancipation…


Vie des anciens esclaves nouvellement émancipés

Après l’abolition, certains anciens esclaves restent travailler sur leur habitation d’origine tandis que d’autres tentent leur chance en allant vivre dans les mornes, sur les hauteurs. Il faut se remettre dans le contexte de l’époque où les anciens esclaves ne connaissent rien d’autre que ce lieu d’existence (l’habitation), et ne savent pour l’immense majorité d’entre eux, ni lire ni écrire. Là, ils recréent un habitat autour d’une case contenant 2 pièces tout au plus, au cœur d’un jardin créole leur fournissant nourriture vivrière et matériaux de construction ou d’ameublement. Des micro-sociétés d’anciens esclaves se créent, offrant des conditions de vie plutôt spartiates (paillasses posées à même le sol pour dormir, cuisine à l’extérieur, toitures de la case en feuille de canne à sucre) mais dans une relative bonne entente et désormais libres de leurs faits et gestes.


Assimilation des engagés Indiens en Martinique

Après 90 jours de traversée à bord du navire l’Aurélie, les 300 premiers engagés Indiens débarquent dans la rade de Saint-Pierre le 6 mai 1853. L’Aurélie sera le premier des 55 navires qui vont acheminer 25 500 émigrants en provenance d’Inde (Pondichéry, Madras ou Calcutta), en quête d’une vie meilleure en Martinique, entre 1853 et 1883. Engagés pour 5 ans par les propriétaires des plantations, ces travailleurs agricoles dociles et bon marché vont remplacer les esclaves d’origine africaine affranchis cinq ans auparavant, dans les champs de canne à sucre. Mais à l’arrivée aux Antilles, les promesses du départ volent en éclat ! Logés dans les cases des anciens esclaves Noirs sur les habitations, ils subissent les mauvais traitements de la part des Békés et se trouvent diabolisés par les prêtes catholiques…

Engagés Indiens travaillant aux Antilles © fondaskreyol.org

Les « coolies » comme on les appelle avec roguerie (terme péjoratif dérivé du turc « köle » signifiant esclave) pensaient trouver un eldorado mais font face à une nouvelle forme de servage en Martinique… Méprisés par les nouveaux citoyens Noirs, ils sont accusés d’encourager les basses rémunérations car ils acceptent d’être payés 4 fois moins cher que les anciens esclaves… Ne parlant ni le français, ni le créole, ces nouveaux déracinés déchantent vite et ont du mal à communiquer, au sein même des communautés indiennes (les habitants du Nord parlent d’autres langues que dans le Sud de l’Inde). Le créole finira par s’imposer dans les plantations, mais avec difficulté.

Le mot « coolie » est alors associé à des proverbes dégradants comme « faible kon an coulie » qui signifie « faible comme un coolie » en créole…

Au final, sur les 25 000 engagés, près de 40% vont regagner l’Inde, déçus et fatigués par cette aventure antillaise – le billet retour est garanti pour ceux ayant honoré leur contrat. Ceux qui resteront vont à leur tour façonner l’identité culturelle créole de la Martinique, en apportant des contributions dans la cuisine (le colombo est un plat d’origine Tamoul, devenu aujourd’hui indissociable de la cuisine antillaise) ou dans l’architecture (temples hindouistes du Nord de l’île). L’expression « chapé coulie » – terme péjoratif correspondant aux personnes issues du métissage entre un(e) Indien(ne) et un(e) Noir(e) – traduit également l’intégration des Indiens dans la société martiniquaise, même si elle s’est faite difficilement…


La Martinique au XXème siècle

Crise sucrière et Première Guerre Mondiale

À partir de 1884, la concurrence du sucre de betterave entraîne une grave crise de surproduction au niveau mondial. Les planteurs de Martinique décident de baisser les salaires tout en augmentant les cadences de travail, ce qui entraine des mouvements de grève parmi les ouvriers agricoles. En cette fin de XIXème siècle, la société d’habitation martiniquaise se transforme. Les centaines d’habitations autrefois présentes en Martinique laissent désormais place à une dizaine d’usines modernisées pour exploiter la canne. Bien que le sucre de canne ne soit maintenant plus qu’une production d’appoint à côté du sucre de betterave pour l’export vers la métropole, la monoculture de la canne demeure à cette époque le premier moteur économique de l’île

Le 8 mai 1902, une explosion se produit au sommet de la Montagne Pelée, le volcan surplombant Saint-Pierre, la capitale de l’île. Le souffle de l’explosion est bientôt suivi d’une nuée ardente qui déferle sur la ville en contre-bas à près de 500 km/h. En moins d’une minute, la coulée pyroclastique atteint Saint-Pierre, anéantissant ses 28 000 habitants et détruisant la ville, incendiant même les navires qui mouillaient au large dans la rade… Cet événement marquera le déclin définitif de Saint-Pierre et le transfert de la capitale vers Fort-de-France, au centre de l’île. En 1914, la Première Guerre Mondiale éclate et la Martinique va avoir le droit de « payer l’impôt du sang » en envoyant près de 9 000 soldats coloniaux pour combattre en métropole… En parallèle, la consommation de rhum explose en métropole, notamment pour maintenir le moral des Poilus dans les tranchées et fait repartir l’économie sucrière sur l’île !


L’entre-deux-guerres

Après la fin de la Grande Guerre, s’est déroulé un épisode méconnu et peu glorieux, concernant la France vis-à-vis de ses colonies. En 1919, au sortir de la guerre, la France se trouve extrêmement endettée, notamment auprès des Etats-Unis et envisage secrètement de lui vendre ses colonies de Martinique et de Guadeloupe. Mais cette information relayée par la presse passe mal, compte tenu du lourd tribu payé par les Antillais pendant ce premier conflit mondial. L’attachement à la mère patrie a en effet été considérablement renforcé pendant la Première Guerre Mondiale ! Le 7 août 1919, le sénateur Martiniquais Henry Lémery, partisan de l’assimilation de la Martinique à la France, propose une loi au sénat visant le classement des colonies françaises en tant que départements français. L’initiative est un échec, mais cette loi inspirera la future loi de départementalisation. Finalement, le projet de vente des colonies est officiellement abandonné par l’état français en 1922.

Le 24 décembre 1935, une statue monumentale de Pierre Belain d’Esnambuc est érigée sur la place de la savane à Fort-de-France afin de « commémorer le tricentenaire de la prise de possession de la Martinique » par les Français. Symbole du colonialisme et de tous les méfaits l’ayant accompagné (génocide des Amérindiens, esclavage des Noirs), la statue est taguée en 2018, puis en 2020 et finalement renversée et détruite à coups de masse par des activistes anticolonialistes en juillet 2020.


Vers la voie de l’assimilation et la départementalisation

Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, la Martinique est dans un état misérable ! Tournée uniquement vers la culture d’exportation du sucre de canne, l’île ne dispose pas de cultures vivrières et doit se faire ravitailler en vivres par bateaux en provenance de métropole, de plus en plus rares. Les Martiniquais connaissent donc le rationnement, la faim et la sous-nutrition pendant cette période, à l’instar des métropolitains.

En 1946, un certain Aimé Césaire, revenu sur l’île après avoir effectué ses études supérieures en métropole, devient maire de Fort-de-France, puis député de la Martinique. Ayant fréquenté d’autres étudiants issus de l’empire colonial français comme Damas, Senghor ou Diop, Césaire invente le concept de « négritude », qui consiste à revendiquer la fierté des peuples Noirs et rejeter le colonialisme. Cette tribune lui permet de dénoncer la société colonialiste martiniquaise et le pouvoir des Békés, anciens esclavagistes, qui dominent l’économie de l’île et possèdent la majeure partie des terres…

Portrait d’Aimé Césaire © BBC Radio 4

Malgré le contexte de velléités d’indépendance de plusieurs colonies françaises (Indochine, Maghreb, Afrique Occidentale et Equatoriale Française), Aimé Césaire choisit au contraire la voie de l’assimilation de la Martinique pleine et entière à la France, qu’il pense être la meilleure solution pour le développement économique de l’île. Il défend donc la loi de départementalisation pour ériger les quatre « vieilles colonies » (Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion) en tant que départements français d’outre-mer. La Martinique devient donc un département français d’outre-mer le 19 mars 1946. les citoyens de l’ancienne colonie sont désormais pleinement assimilés à la nation française !


Le BUMIDOM

En 1963, Michel Debré créé le BUMIDOM (BUreau pour le développement des MIgrations intéressant les Départements d’Outre-Mer). Cet organisme vise à promouvoir, organiser et encadrer l’exode des ultramarins vers la métropole, pour pallier la vacance d’emplois en France métropolitaine, qui est en plein boom des Trente Glorieuses. Entre 1963 et 1981, près de 170 000 jeunes Antillais et Réunionnais vont venir travailler dans l’Hexagone par l’intermédiaire du BUMIDOM. Le gouvernement français leur offre un aller simple vers la métropole, en leur promettant une vie meilleure, un logement et des postes dans la fonction publique. Mais à l’arrivée en métropole, la désillusion est immense !

Confrontés au racisme et à la discrimination, les déplacés du BUMIDOM sont cantonnés à des postes peu ou pas qualifiés, souvent pénibles et délaissés par les métropolitains : personnels hospitaliers, soins à la personne, travaux publics, PTT (poste, télégraphes et téléphones)… Voici pourquoi on retrouve encore de nombreux Antillais travaillant aujourd’hui dans les hôpitaux publics de métropole. Derrière ce projet de déplacements de populations jeunes, il existe aussi une raison plus officieuse : casser les mouvements indépendantistes dans les départements d’outre-mer ! Le gouvernement de l’époque estime en effet que la forte démographie et la misère présentes dans les DOM constituent une « véritable bombe à retardements » pour le maintien de l’ordre social…


La Martinique aujourd’hui…

Le début du XXIème siècle est marqué par de nombreuses grèves contre la vie chère, touchant à la fois la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane. En septembre 2024, le Rassemblement pour la Protection des Peuples et des Ressources Afro-Carribéens (RPPRAC), nouveau mouvement populaire, s’insurge contre la vie chère, et demande l’alignement des prix à la consommation sur ceux de la métropole. En effet, les prix des denrées alimentaires sont en moyenne 40% plus chers en Martinique qu’en métropole alors que 27% de la population de l’île vit sous le seuil de pauvreté (contre 14% pour l’Hexagone). Sur ce sujet très précis, la continuité territoriale entre la métropole et ses départements d’outre-mer – si chère aux politiques à Paris – N’EXISTE TOUT SIMPLEMENT PAS.

L’importation des denrées alimentaires depuis la métropole – 80% des produits de consommation courante sont importés de métropole – expliquerait ces niveaux de prix élevés. Pourtant, le commerce avec les autres îles de la Caraïbe et les Amériques est extrêmement limité voire inexistant car longtemps limité par l’État français. De son côté, le RPPRAC pointe du doigt les marges opaques des distributeurs, ainsi que la situation de monopole des distributeurs et des transporteurs, qui empêche toute forme de concurrence. Derrière les revendications du RPPRAC, les plaies toujours béantes de deux siècles d’esclavage et d’inégalités de traitement, qui continuent de modeler les relations entre Noirs et Békés ultrariches…


Le pouvoir des Békés dans l’économie martiniquaise

Sur une population totale de 361 000 personnes, il subsiste toujours 3 000 Békés vivant en Martinique (répartis en une cinquantaine de familles), représentant moins de 1% de la population. Malgré leur faible poids démographique, cette caste solidaire et puissante contrôle la majeure partie de l’économie martiniquaise, disposant de plus d’un certain pouvoir politique… Descendant des familles nobles arrivées en Martinique au XVIIème siècle, les Fabre, Hayot, Despointes, Loret ou Reynal ont tiré leur fortune originelle de l’esclavage des Noirs dans les plantations de canne à sucre. L’esclavage a aujourd’hui disparu, mais ils sont restés les maîtres, de pères en fils.

Ces familles possèdent aujourd’hui la plupart des plantations de bananes et ont des parts importantes dans les groupes de grande distribution en Martinique. Ainsi, l’agriculture martiniquaise est toujours majoritairement tournée vers l’exportation de denrées alimentaires en direction de la métropole. La banane a aujourd’hui supplanté la canne à sucre et demeure la première production agricole de l’île. Ceci, au détriment des cultures vivrières qui permettraient une certaine autonomie alimentaire du territoire… De ce point de vue, on peut affirmer que le système colonial qui consistait à exploiter les ressources naturelles de l’île à l’usage exclusif de la métropole est toujours bien en place en Martinique !

Concernant le secteur commercial, 3 grands groupes familiaux (Hayot, Parfait et Despointes) se partagent 80% du marché et les franchises de la distribution aux Antilles ainsi que 50% du commerce d’importations alimentaires… L’exemple le plus édifiant est celui de « l’ogre » Bernard Hayot. Possédant 40% de l’économie martiniquaise à lui seul, il détient l’ensemble de la chaîne logistique : de la sortie des usines en métropole jusqu’aux entrepôts de distribution en Martinique. Selon certaines sources, il disposerait en outre d’un partenariat exclusif avec le transporteur CMA-CGM, transporteur maritime lui aussi en situation de monopole dans la desserte des îles depuis la métropole…

Plus grande fortune des Antilles, Hayot fait également partie du club restreint des 500 plus grandes fortunes de France ! Bernard Hayot est le président fondateur du Groupe Bernard Hayot (GBH) qui s’est développé autour de la grande distribution (hypermarchés et supermarchés Carrefour), l’automobile (concessions et pièces détachées), les spiritueux (Rhums Clément, J.M), la production de bananes et autres activités (Decathlon, Yves Rocher ou M. Bricolage). GBH est ainsi le premier employeur privé de Martinique et étend ses métastases dans tous les secteurs de la consommation aux Antilles.

Le fait est, que Bernard Hayot et son groupe ne sont pas issus d’un travail acharné d’entreprenariat, mais du contexte historique et socio-économique de la Martinique (enrichissement grâce à l’esclavage et copieuses indemnisations pour les avoir libérés) et de pratiques commerciales douteuses ! Une enquête du quotidien Libération du 9 janvier 2025 dévoile les pratiques frauduleuses de GBH, qui réalise notamment des marges nettes 4 fois plus importantes que ce qui se fait en métropole et qui omettait de publier ses comptes annuels depuis 6 ans – ce qui constitue une infraction à la loi… Pour autant, M. Bernard Hayot a élevé au rang de Grand Officier de l’ordre national de la Légion d’Honneur par un décret du 3 juillet 2024…


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5 thoughts on “Plongée dans l’histoire de la Martinique !

  1. Claudine says:

    Bizarre, mon commentaire a disparu…je disais que j’espérais que vous alliez continuer à nous faire voyager. Quant à nous, nous revenons du Maroc. Je continue sur Eklablog, repris par overblog, pas terrible côté présentation, mais ça fonctionne. Je prépare pour l’été Pologne et Pays Baltes. A bientôt. Bises à vous 4.😍😍

    • Serialtravelers says:

      Bonjour Claudine, j’avoue qu’on a été très peu assidus ces derniers temps, mais on va rattraper ça et voir comment ce sont passées vos aventures marocaines 🙂 Top pour la Pologne !! On n’a jamais fait les Pays Baltes, mais Thomas a passé un peu de temps à Krakow et avait beaucoup apprécié ! Bises de nous 4 🙂

  2. Claudine says:

    C’est sur qu’un tel article aussi documenté demande du temps. J’espère que vous trouverez un peu de temps pour nous raconter vos voyages. Moi je continue, tant qu’on peux. Eklablog à été repris par overblog, pas terrible, mais les articles sont toujours là. On revient du Maroc et je prépare pour l’été Pologne et Pays Baltes. A bientôt. Bises 🥰 🥰

    • Serialtravelers says:

      Coucou Claudine, merci pour votre commentaire et également content de vous retrouver 🙂 Nous avons mis près de 5 ans pour écrire ce long billet qui nous tenait à cœur, mais les enfants ne laissaient pas beaucoup de place à l’écriture ^^ Grosses bises de nous 4 🙂

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